Une violence débridée s’est emparée d’un pays tristement habitué au chaos et aux souffrances, alors qu’un gouvernement fédéral faible cherchait à repousser des insurrections au sud et au centre du pays. En 2008, deux journalistes ont été tués dans la ville portuaire de Kismayo au sud pérennisant un climat national violent à l’encontre de la presse qui a coûté la vie à neuf journalistes en deux ans. Au moins 21 reporters somaliens ont pris l’exil, selon les données du CPJ, bien que le Syndicat national des journalistes somaliens estime que des dizaines de plus ont fui leur domicile par crainte de représailles. Les risques se sont encore accrus en 2008 avec deux enlèvements de cinq journalistes au total, dont trois étaient encore détenus à la fin 2008 dans l’attente d’une rançon.
L’année a pourtant débuté avec des paroles et des gestes encourageants pour la presse. En janvier, le Premier ministre Nur Hassan a déclaré à la presse que son gouvernement allait « s’assurer que les violations contre la presse libre s’arrêtent ». Il a nommé Ahmed Abdisalam, cofondateur de la société de presse indépendante HornAfrik, comme Premier ministre adjoint et ministre de l’Information. A peine deux mois plus tard, Abdisalam a dit au CPJ que « le climat pour la presse à Mogadiscio est plus difficile que jamais ».
Les défis faisant face au gouvernement fédéral de transition, soutenu par les forces éthiopiennes et par le gouvernement américain, ont été multiples et importants. Le gouvernement a d’abord lutté pour conserver le contrôle du territoire. Fin 2008, il s’accrochait à Mogadiscio et à Baidoa, au centre du pays, mais les groupes insurgés islamistes, vaguement associés entre eux, contrôlaient la majeure partie du sud et du centre de la Somalie. En juin, les Nations unies ont joué les médiateurs dans une négociation de paix entre le gouvernement et l’opposition de l’Alliance pour le re-libération de la Somalie. Cependant, les insurgés d’Al-Shabaab, tenants d’une ligne dure, se sont opposés à l’accord. Civils et journalistes ont continué à être la cible de tous les acteurs du conflit. Les combattants d’Al-Shabaab et les troupes éthiopiennes étant accusées de certaines des pires violations des droits de l’homme. Plusieurs milliers de civils ont trouvé la mort et plus d’un million ont été déplacés par la violence, selon les données des associations de droits de l’homme et de l’Onu.
Hassan Kafi Hared, 38 ans, reporter pour l’Agence nationale somalienne d’information, a été tué en janvier au cours d’une attaque en mi-journée sur un véhicule d’assistance médicale à Kismayo, selon la presse et des journalistes locaux. Une mine télécommandée avait détruit le véhicule de Médecins sans frontières-Hollande, tuant deux humanitaires et le chauffeur. Des gardes de sécurité de l’organisation caritative ont ouvert le feu autour du véhicule après l’explosion, selon le témoignage de journalistes locaux au CPJ. Hared et un jeune garçon, qui marchaient près du véhicule, ont été tués. Il n’est pas clair si Hared est mort de l’explosion ou des tirs ; son corps a été retrouvé criblé à la fois de balles et d’éclats de mine, selon les journalistes locaux.
La mort de Hared a été rapportée par son confrère somalien Nasteh Dahir Farah, dans une chronique parue dans l’édition du printemps de Dangerous Assignments, le magazine du CPJ. A peine quelques semaines plus tard, Farah était tué à son tour. Agé de 27 ans, vice-président du Syndicat national des journalistes somaliens et collaborateur de plusieurs médias locaux et internationaux, Farah a été tué en juin par balle par deux hommes à Kismayo alors qu’il se rendait à pied de son domicile à un café Internet. Dans un rapport, le syndicat des journalistes a dit que Farah avait été tué par des insurgés en représailles de son travail.
En mai, des insurgés ont ouvert le feu sur Bisharo Mohammed Waeys, présentatrice de la chaîne privée Eastern Television Network, alors qu’elle se rendait en voiture chez elle. Elle n’a pas été blessée. Mohammed, basée dans la ville portuaire de Bossasso, dans la région semi autonome du Puntland, a déclaré au CPJ qu’elle avait quitté son travail et le pays après cette attaque et une série de menaces par texto. Le directeur de la station, Abdiwali Sheikh Ahmed, a déclaré que deux autres responsables de la rédaction avaient reçu des menaces par email depuis une adresse « shabab114 ».
La Canadienne Amanda Lindhout, l’Australien Nigel Brennan et le Somalien Abdifatah Mohamed rentraient d’une série d’entretiens avec des réfugiés à Celasha Biyaha quand ils ont été enlevés sur la route Afgoye-Mogadiscio, en août, selon la presse et des sources du CPJ. Tous trois freelance, ils étaient toujours prisonniers dans l’attente d’une rançon en fin d’année, selon de nombreuses sources du CPJ. Fin novembre, deux journalistes internationaux, le Britannique Colin Freeman et le photographe espagnol José Cendon, ont été kidnappés à la sortie de leur hôtel à Bossasso. En reportage pour le Daily Telegraph de Londres, ils travaillaient sur la piraterie dans la région du Golfe d’Aden. Freeman et Cendon ont été relâchés indemnes en janvier 2009.
« La situation s’est beaucoup détériorée », a témoigné Emilio Manfredi, un journaliste freelance italien. Manfredi dit qu’en novembre, un voyage pour un reportage à Mogadiscio nécessitait dix gardes armés et trois véhicules. En début d’année, une telle mission, déjà dangereuse, demandait trois gardes et une voiture.
Au cours de l’année, le CPJ a collecté des informations sur 21 cas de harcèlement gouvernemental, dont la détention de journalistes et la fermeture de médias. En mars, les troupes gouvernementales ont opéré une descente dans trois stations de radio privées dans le très volatile marché Bakara à Mogadiscio après de durs combats dans la zone. Les journalistes de HornAfrik, Radio Shabelle et Radio Simba ont dit au CPJ que les soldats avaient saisi des ordinateurs, des mixeurs de son, des micros et d’autres matériels. Les trois stations ont repris leur diffusion peu après. Des journalistes locaux pensent que ces raids visaient à empêcher ces radios de couvrir le pillage par les soldats gouvernementaux dans le district central de Howl-Waadaag. Le ministre de l’Information Abdisalam a nié toute responsabilité dans ces raids.
Les insurgés ont aussi censuré les radios. En décembre, Radio Markabley, station au sud-ouest de la Somalie, a été fermée par les forces insurrectionnelles après avoir diffusé des chants pendant la fête musulmane de l’Aïd al-Adha, selon le syndicat des journalistes.
Jusqu’en fin d’année, la république septentrionale autoproclamée du Somaliland a été épargnée par la violence quotidienne qui déchire le reste du pays. Cependant, en octobre, trois attaques à la bombe ont tué 19 personnes dans la capitale du Somaliland, Hargeisa. Les agents de la sécurité d’Etat ont détenu le journaliste freelance Hadis Mohammed pendant deux semaines et sans explication après qu’il a couvert ces attentats. Plusieurs autres journalistes du Somaliland ont été détenus arbitrairement et harcelés par les forces de sécurité tout au long de l’année.
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