New York, le 13 mai 2013–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne la fermeture d’une station de radio indépendante au Cameroun le 22 avril dernier pour la diffusion d’une interview considérée par les autorités locales comme une incitation à la sécession.
Les autorités de la ville de Bamenda, située au nord-ouest du Cameroun, ont indéfiniment fermé les studios de la station privée Foundation Radio, selon des journalistes et des médias locaux. Selon un arrêté, signé par Félix Nguele Nguele, préfet du Département de la Mezam, et émanant du ministère camerounais de la Communication, les autorités ont accusé la station de diffusions répétées d’émissions « incitant à la sécession ».
Selon des médias, la station a été fermée en guise de représailles à une seule émission : l’édition du 25 mars du programme matinal intitulé « Good Morning Bamenda Show », au cours de laquelle l’animateur, Tikum Mbah Azonga, a interviewé deux invités qui se sont dits être membres du Conseil national du sud du Cameroun (SCNC), un groupe interdit par le gouvernement camerounais qui milite pour la sécession des régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest.
M. Azonga, qui est aussi le directeur de la station, a déclaré au CPJ par courriel que Foundation Radio n’a en aucune manière soutenu la sécession, ni le SCNC. Il a déclaré au CPJ qu’il est allé à la police à trois reprises pour des interrogatoires et qu’il a été invité à soumettre une copie de l’enregistrement de l’émission. « Ils se demandaient comment moi, en tant que journaliste qu’ils savaient très responsable, j’ai pu permettre au SCNC de s’exprimer sur les ondes de la station », a-t-il dit. Winifred Weregwe, administrateur de la Fondation Fomunyoh, qui gère la station, a déclaré au CPJ que la police a également indiqué qu’elle allait envoyer l’enregistrement au ministère camerounais de la Communication.
Un décret présidentiel de janvier 2012 a accordé au Conseil national de la Communication (CNC) de vastes pouvoirs de régulation lui permettant de suspendre des organes de presse. Mais depuis 2003, le ministère de la Communication a également ordonné la fermeture d’au moins 10 stations de radio et de télévision indépendantes. Les autorités ont justifié ces fermetures en invoquant tantôt de vagues atteintes à l’éthique et la déontologie professionnelle, tantôt des violations de la règlementation sur les entreprises audiovisuelles, tantôt le non-paiement des frais de licence d’exploitation, mais les fermetures sont survenues à la suite de reportages ou d’ émissions que le gouvernement a jugé critiques à son égard, selon des recherches du CPJ.
« La fermeture par le gouvernement camerounais de Foundation Radio à la suite de la diffusion d’une interview illustre bien jusqu’où ira l’État pour supprimer la diffusion de toute information sur les revendications sécessionnistes dans la partie nord-ouest du pays », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons aux autorités camerounaises de permettre à Foundation Radio de reprendre des émissions immédiatement », a-t-il ajouté.
Foundation Radio est dirigée par la Fondation Fomunyoh basée aux États-Unis d’Amérique. Son fondateur, Christopher Fomunyoh, a mis en évidence au cours des années les lacunes du système politique sous la présidence de Paul Biya, en tant que directeur régional pour l’Afrique centrale et occidentale de l’Institut démocratique national (NDI), selon des recherches du CPJ.
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