New York, le 22 février 2008—Le gouvernement du Cameroun a sommairement fermé jeudi une grande chaîne de télévision privée du pays sur la base d’un arrêté ministériel accusant la chaîne de violer la réglementation sur les entreprises privées de communication audiovisuelle, selon les journalistes locaux et les médias. Cette station basée à Douala s’est distinguée à la pointe de la couverture médiatique d’un débat national sur le projet de révision constitutionnelle du président Paul Biya portant sur sa volonté de briguer un mandat supplémentaire.
Deux hauts responsables de la police appuyés par une escouade de la police anti-émeute ont forcé Equinoxe Télévision hors d’antenne, jeudi à 15h heure locale, et fermé ses studios, a déclaré au CPJ le rédacteur en chef de la station, Albert Yondjeu. La police a donné une copie d’un arrêté du ministre camerounais de la communication, Jean-Pierre Biyiti Bi Essam, qui avait été lu exclusivement sur la radio et la télévision d’État. L’arrêté déclarait que la station diffusait illégalement parce qu’elle n’avait pas payé les frais de licence d’exploitation fixés à 100 millions de francs CFA (227.000 dollars américains), selon le directeur général de Equinoxe, Séverin Tchounkeu.
Seules trois stations de télévision privées, Canal2 International, Spectrum TV et TV + opèrent avec des licences officielles au Cameroun depuis l’année dernière, même si le gouvernement a autorisé plusieurs autres stations, incapables de payer ces frais exorbitants, à opérer librement sous ce que Jean-Marc Soboth, secrétaire national du syndicat des journalistes camerounais, a appelé un « régime de tolérance administrative ».
« Nous sommes alarmés par la fermeture de Equinoxe TV, qui est clairement destinée à servir d’exemple afin de pousser la presse à l’autocensure sur la couverture politique », a déclaré le directeur exécutif du CPJ, Joël Simon. « Nous appelons les autorités à immédiatement permettre à la station de reprendre l’antenne », a-t-il ajouté.
Dans un entretien téléphonique avec le CPJ aujourd’hui, le ministre Essam a dit que le gouvernement fermera aussi d’autres stations qui ne se sont pas en règle.
Selon les journalistes locaux, la fermeture d’Equinoxe est liée à sa couverture libre des débats houleux qui divisent les partisans et les opposants du président Biya, qui est au pouvoir depuis 1982. Samedi dernier, la station avait diffusé exclusivement en direct des images de la police réprimant une manifestation contre le projet de révision constitutionnelle avec des balles réelles, a dit Henry Fotso, le président du syndicat national de l’audiovisuel du Cameroun. Equinoxe était aussi au premier rang dans la diffusion de programmes de débats et d’interviews de leaders de l’opposition et de responsables du gouvernement camerounais, ont dit les journalistes locaux.
Au Cameroun la loi de 1990 sur la presse a libéralisé la radiodiffusion dans ce pays. Cependant, en 2000, l’ancien premier ministre Peter Mafany Moussonge a unilatéralement signé un décret imposant des règles de contrôle du secteur de la radiodiffusion, notamment les montants très élevés pour obtenir les licences d’exploitation. Ce n’est qu’en juin 2007 que les premières licences ont été accordées à trois stations de télévision et une station de radio, selon les médias.