Kinshasa, le 17 août 2022–Les autorités congolaises doivent cesser d’intimider les journalistes qui couvrent le conflit dans l’est du pays et permettre à la presse de traiter librement les événements d’intérêt public, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le vendredi 12 août, des agents de la police nationale ont arrêté et détenu pendant plusieurs heures Dimanche Kamate, rédacteur en chef de la radio privée Radio Muungano dans la ville d’Oicha, dans la province du Nord-Kivu, selon les médias et Kamate, qui s’est entretenu au téléphone avec le CPJ.
Kamate a déclaré au CPJ que les policiers ne lui avaient pas présenté de mandat d’arrêt et qu’ils l’avaient interrogé au poste de police au sujet d’une émission diffusée le 7 août à laquelle participaient des invités de Véranda Mutsanga, un groupe local de défense des droits sociaux. Les participants à l’émission ont débattu d’un Rapport de l’ONU récemment divulgué affirmant que l’armée rwandaise soutenait le groupe rebelle M23 en conflit avec le gouvernement congolais dans la partie est du pays, et des manifestations organisées dans la province du Nord-Kivu contre la mission de l’ONU dans le pays, appelée MONUSCO, a déclaré le journaliste.
Véranda Mutsanga est opposé à la présence de la MONUSCO et à « l’état de siège » du gouvernement de la RDC, qui a mis en place une gouvernance militaire dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri l’année dernière, en réponse à la violence armée croissante, selon les médias.
« Les pratiques d’arrestation et d’intimidation des journalistes congolais qui s’efforcent d’informer le public sur le conflit et les mouvements sociaux dans le pays doivent cesser. La liberté de la presse ne peut pas se développer dans ces conditions », a déclaré Angela Quintal, responsable du programme Afrique du CPJ. « L’état de siège dans l’est de la RDC ne justifie pas les efforts déployés pour censurer et contrôler la couverture médiatique du conflit dans cette région. »
Selon un article de Journaliste En Danger, un groupe local de défense de la liberté de la presse, la police a arrêté Kamate sur ordre de Charles Ehuta Omeonga, l’administrateur militaire de la ville de Beni, dans le Nord-Kivu, qui estimait que l’émission violait « l’état de siège » dans cette partie du pays.
Contacté par téléphone, Ehuta a déclaré au CPJ : « Je l’ai arrêté parce qu’il pense qu’il est un super journaliste au-dessus de la loi. J’ai parlé avec le journaliste (Kamate) et je lui ai donné quelques conseils sur la situation sécuritaire dans le territoire de Beni. Pendant cette période d’état de siège, il y a des normes à respecter, même par les journalistes. »
Ehuta a déclaré au CPJ que Kamate devait travailler pour la nation congolaise et surtout ne pas diffuser d’émissions auxquelles participent des invités qui débattent de questions liées au conflit dans les zones où des opérations de l’armée sont en cours, au lendemain du décret sur l’état de siège dans la province du Nord-Kivu limitant la liberté d’expression.
Kamate a expliqué au CPJ que pendant sa détention au camp militaire de Matobo, un chef du renseignement militaire l’avait réprimandé au sujet de l’émission du 7 août et lui avait ordonné de cesser de diffuser des programmes mettant en vedette des membres de la société pendant que le gouvernement continuait à combattre les rebelles du M23. Kamate a également déclaré qu’on l’avait ensuite emmené dans une jeep militaire au bureau d’Ehuta puis relâché à son arrivée, avec ses téléphones et son matériel d’enregistrement, après l’intervention de Richard Kirimba, une personnalité civile locale.
Kirimba a déclaré au CPJ, lors d’un entretien téléphonique, qu’il avait supplié les soldats de libérer Kamate parce que le journaliste « n’a commis aucune faute ».