Kinshasa, le 16 juin 2022 — Le Comité pour la protection des journalistes s’est dit préoccupé jeudi par les menaces visant la sécurité des journalistes dans l’est de la République démocratique du Congo, alors qu’ils sont en première ligne du conflit entre les forces gouvernementales et le groupe rebelle armé M23.
Dans la matinée du 13 juin, les rebelles du M23 se sont emparés de Bunagana, une ville de la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays, qui était sous contrôle de l’armée congolaise, selon les médias. Cet après-midi-là, des membres du M23 ont vandalisé la radio communautaire La Voix de Mikeno (RACOM), une station indépendante de la ville, et ont dérobé du matériel, selon trois personnes au fait des événements qui se sont entretenues avec le CPJ sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.
Par ailleurs, le journaliste de Voice of America, Austère Mavilika, qui a couvert le conflit entre le M23 et les forces armées de la RDC, a déclaré au CPJ, lors d’un entretien téléphonique, qu’il avait reçu des appels téléphoniques menaçants, suite à la publication par le M23 d’une déclaration l’accusant de se ranger du côté des forces armées de la RDC.
« La sécurité des journalistes travaillant dans l’est de la République démocratique du Congo est primordiale, alors que le conflit entre le gouvernement et le M23 s’intensifie », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Le public, à l’échelle locale et internationale, doit disposer d’informations exactes et fiables sur ce qui se passe en RDC, et cela n’est possible que si les journalistes sont en mesure de travailler librement et sans crainte. »
Après la prise de contrôle de Bunagana par le M23, des membres du groupe rebelle se sont rendus au bureau de RACOM vers 17h00 déclarant vouloir collaborer avec la station, selon l’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique (OLPA), le groupe de défense de la presse Journalistes en Danger (JED) et le directeur de la station, André Byamungu, qui s’est entretenu par téléphone avec le CPJ.
Byamungu a expliqué que les membres du personnel de la station ne faisaient pas confiance aux soldats, et qu’ils avaient prétexté aller chercher de la nourriture pour quitter le bureau et aller se cacher. Lorsque les soldats ont réalisé que les membres du personnel ne reviendraient pas, ils ont détruit et volé du matériel de la radio, selon les personnes qui se sont entretenues avec le CPJ sous couvert d’anonymat.
Selon l’OLPA, les rebelles ont volé un émetteur, 12 panneaux solaires, 2 mixeurs, 8 ordinateurs, 3 microphones, des générateurs et des décodeurs.
Mavilika, journaliste pour le service swahili de la radio VOA financée par le Congrès américain, qui a couvert le conflit au plus près des forces armées congolaises, a déclaré au CPJ qu’il recevait, depuis avril, des appels téléphoniques menaçants de personnes non identifiées l’accusant de soutenir les forces de la RDC, appelées les FARDC.
Dans une déclaration du 23 mai que le CPJ a examinée, le porte-parole du M23, Willy Ngoma, a accusé Mavilika d’être un « journaliste des FARDC ». Le journaliste a déclaré qu’il avait ensuite avoir reçu, le 1er juin, un appel d’une personne anonyme qui lui avait dit : « Vous avez de la haine envers nous. Bientôt, vous serez capturé avec les soldats des FARDC. »
Le CPJ a appelé Ngoma pour solliciter ses commentaires, mais celui-ci n’a pas répondu.