Nairobi, le 20 janvier 2023 – Les autorités burundaises ne doivent pas contester l’appel de la journaliste Floriane Irangabiye et doivent veiller à ce que les membres de la presse ne soient pas emprisonnés en raison de leur travail, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 2 janvier, Irangabiye a été condamnée par la Haute Cour de Mukaza à Bujumbura, la capitale, pour atteinte à l’intégrité du territoire national, selon les médias, les tweets du ministère burundais de la Justice et le jugement qui a été rendu public le 3 janvier et que le CPJ a examiné. Ce chef d’accusation est en lien avec son travail en tant que commentatrice et animatrice sur Radio Igicaniro, un média en ligne de la diaspora qui diffuse des commentaires critiques et des débats sur la politique et la culture burundaises.
La cour a condamné Irangabiye à 10 ans de prison et à une amende de 1 million de francs burundais (482 dollars), selon ces sources. Ses avocats affirment qu’elle a l’intention de faire appel de la condamnation, selon les médias.
Irangabiye est en détention depuis son arrestation le 30 août 2022 et se trouve actuellement à la prison de Muyinga, dans la province de Muyinga, dans le nord du pays.
« Après des mois de détention arbitraire, la condamnation de la journaliste burundaise Floriane Irangabiye à une décennie derrière les barreaux démontre la capacité de cruauté de l’État et sa profonde intolérance envers les commentateurs critiques à l’égard des hommes politiques », a déclaré Muthoki Mumo, représentant du CPJ pour l’Afrique subsaharienne. « Les procureurs ne doivent pas s’opposer à l’appel des avocats d’Irangabiye, et le Burundi doit modifier ses lois pour remédier aux dispositions vagues pouvant être utilisées pour prendre pour cible les journalistes critiques. »
Au cours du procès, les procureurs ont mentionné une émission diffusée sur Radio Igicaniro en août 2022 dans laquelle Irangabiye et ses invités critiquaient le gouvernement burundais et accusaient ses dirigeants d’être des voleurs et de piétiner les droits des citoyens, selon des documents judiciaires examinés par le CPJ.
Les procureurs, qui ont déclaré qu’un enregistrement audio de l’émission avait été retrouvé sur le téléphone d’Irangabiye après son arrestation, ont accusé la journaliste d’appel à la rébellion publique et au renversement du gouvernement, selon ces documents.
Parmi les éléments de preuve avancés, les procureurs ont mentionné les fréquents voyages d’Irangabiye entre le Rwanda, où elle vit, et le Burundi, où elle est née et où vit sa famille, ainsi que des photos sur lesquelles la journaliste est apparue avec le président rwandais Paul Kagame et l’ancien président burundais Pierre Buyoya, selon ces sources. En 2020, Buyoya a été condamné par contumace pour le meurtre d’un autre président burundais.
Les procureurs ont également accusé Irangabiye de participer à des réunions organisées par des groupes de la société civile dans le but de donner aux jeunes hommes en exil les moyens de renverser le gouvernement burundais.
Irangabiye et sa défense ont affirmé qu’elle avait la liberté de s’exprimer en tant que journaliste, ont nié sa participation à ces réunions et ont demandé à la cour de ne pas tenir compte des informations obtenues lors des interrogatoires menés par les agents du renseignement au cours desquels Irangabiye n’était pas représentée par un avocat, selon les documents judiciaires qui indiquent que la cour a rejeté cette demande.
Sylvestre Nyandwi, procureur général du Burundi, a transmis au CPJ un communiqué via une application de messagerie stipulant que le cas d’Irangabiye était conforme aux procédures et aux lois burundaises et que la condamnation n’était pas motivée par des considérations politiques.
Le CPJ a envoyé un courriel au ministère de la Justice, ainsi que des demandes de commentaires au ministre de la Justice Domine Banyankimbona via une application de messagerie, mais n’a reçu aucune réponse immédiate.