Kinshasa, le 23 septembre 2022 – Les autorités de la République Démocratique du Congo doivent mener une enquête approfondie et transparente et demander des comptes aux responsables des attaques dont ont été victimes trois journalistes – Tatiana Osango, Didier Kiku et Trésor Bazola – au cours de deux incidents distincts en septembre, a déclaré vendredi le Comité pour la Protection des journalistes.
Le 15 septembre, des partisans de l’opposant politique Martin Fayulu, président du parti politique Engagement pour la citoyenneté et le développement (Ecidé), ont attrapé Tatiana Osango, journaliste de la chaîne d’information privée Réaco News, et l’ont griffé au niveau de sa poitrine et sur d’autres parties de son corps, avant de la menacer de viol et de mort, selon la journaliste qui s’est entretenue avec le CPJ via une application de messagerie et les informations du groupe local de défense de la liberté de la presse Journalistes En Danger. L’attaque a eu lieu juste après l’arrivée d’Osango devant le siège d’Ecidé à Kinshasa, la capitale de la RDC, où elle faisait un reportage sur une réunion en lien avec la rentrée parlementaire.
Dans un autre incident, le 18 septembre, vers 11 heures, Didier Kiku et Trésor Bazola, journaliste et caméraman de la télévision privée Tokomi Wapi, ont été roués de coups, giflés et frappés à coups de ceinture par quatre policiers alors qu’ils couvraient les manifestations contre la nomination d’un nouveau pasteur à la tête de l’Église Evangélique Libre d’Afrique de Kinshasa, selon les médias et les deux journalistes qui se sont entretenus par téléphone avec le CPJ.
Bazola a été soigné dans un hôpital local pour une blessure à la tête tandis que Kiku a été traité pour des blessures à la main droite et pour des douleurs thoraciques, ont-ils déclaré, ajoutant que leur caméra avait été endommagée.
« Les autorités de la RDC doivent enquêter et demander des comptes aux partisans de l’opposition qui ont agressé sexuellement Tatiana Osango et aux policiers qui ont agressé les journalistes Didier Kiku et Trésor Bazola », a déclaré Muthoki Mumo, représentant du CPJ pour l’Afrique subsaharienne, à Nairobi. « Les tentatives visant à faire taire la presse – que ce soit par des attaques sexistes ou des violences policières – envoient un message glaçant, à savoir qu’il est dangereux pour les journalistes de travailler en RDC. »
Les partisans qui ont agressé Osango étaient armés de machettes, de pierres et de bouteilles, a déclaré la journaliste, qui a suivi des séances de physiothérapie pour une douleur au bras gauche après l’incident. Elle a déclaré qu’ils lui avaient volé des bijoux, sa carte de presse, des cartes bancaires et l’équivalent de 700 dollars en espèces. Les assaillants ont également saccagé son véhicule à coups de pierres et de machettes, brisant les vitres, selon Osango et des images diffusées par la chaîne de télévision locale Canal Kin Télévision. La foule a frappé le chauffeur d’Osango et lui a jeté des pierres alors qu’il tentait d’intervenir ; il s’est ensuite fait soigner dans un hôpital local pour une blessure à la tête et des douleurs corporelles.
Osango a déclaré au CPJ que les partisans lui avaient crié : « Fayulu t’a interdit de venir à Ecidé. Tu veux être violée ? Tu penses que Fayulu manque d’argent ? Aujourd’hui, c’est ta mort. » « Je suis accusée tous les jours par le parti au pouvoir de défendre la cause de l’opposant Fayulu à travers mes différents programmes et aujourd’hui les militants de Fayulu veulent ma tête et veulent me violer. Pour qui est-ce que je travaille ? En tant que journaliste, je n’appartiens à aucune formation politique ni à aucun dirigeant politique. Je suis pour la vérité », a déclaré Osango.
« Cette femme [Osango] veut juste nous distraire. Je ne sais pas qui l’a attaquée et a endommagé son véhicule », a déclaré au CPJ Serge Welo, président de la jeunesse de l’Ecidé, qui était sur les lieux de l’attaque, via une application de messagerie.
Le secrétaire général de l’Ecidé, Devos Kitoko, a déclaré au CPJ via une application de messagerie qu’il n’était pas à Kinshasa au moment de l’attaque et « ne comprend pas pourquoi Tatiana Osango aurait été agressée au siège de l’Ecidé puisqu’elle se rend presque chaque semaine au siège de notre parti politique pour couvrir pacifiquement nos activités et que ce jour-là, nous n’en avions aucune », ajoutant que selon lui, Osango aurait dû l’informer directement de l’agression au lieu d’en faire part dans les médias.
Les appels du CPJ au commissaire provincial de la Police nationale congolaise à Kinshasa, le général Sylvano Kasongo, sont restés sans réponse.