New York, 18 mars 2022 — Les autorités maliennes devraient lever la suspension des chaînes françaises Radio France Internationale (RFI) et France 24 et mettre rapidement en œuvre des processus d’accréditation pour permettre aux journalistes de travailler dans le pays, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le mercredi 16 mars, le ministère malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a entamé une procédure visant à suspendre la possibilité pour RFI et France 24 de diffuser du contenu dans le pays, selon une copie de l’ordonnance publiée sur la page Facebook du ministère et des articles de RFI et France 24. Ces deux organes de presse sont des filiales de la société mère française France Médias Monde qui a « déploré la décision », selon ces articles.
L’ordonnance de suspension a cité la publication de « fausses allégations » faisant état d’exactions commises par les Forces armées maliennes (FAMa) formulées au début du mois par la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet, Human Rights Watch et RFI comme raison des suspensions. L’ordonnance stipule que les suspensions sont justifiées en vertu des « lois et règlements » du Mali, sans préciser pour autant quelles lois ont été enfreintes, et interdit à tous les médias locaux de diffuser le contenu produit par RFI et France 24.
« Les autorités maliennes devraient arrêter d’essayer de contrôler le journalisme dans le pays et lever la suspension de RFI et de France 24, ainsi que l’interdiction imposée aux médias locaux de diffuser le contenu de ces organes », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « Ces interdictions, qui font suite à la suspension du processus d’accréditation des médias au début de l’année, brossent un tableau sombre de la liberté de la presse au Mali. »
Les émissions de RFI et de France 24 ont été interrompues depuis 13 h, heure locale, le 17 mars, selon un journaliste au courant de la situation qui s’est entretenu avec le CPJ sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.
Sambi Touré, directeur du centre d’information du gouvernement malien, a accusé réception des demandes de commentaires du CPJ envoyées via une application de messagerie, mais n’a pas répondu directement aux questions qui lui ont été envoyées au sujet des suspensions. Le CPJ a également contacté Harouna Mamadou Toureh, ministre malien de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’administration. L’un des appels a semblé aboutir, bien que l’on n’ait pu entendre aucun mot audible, alors que d’autres appels et questions envoyées via une application de messagerie et messages textuels sont restés sans réponse.
En février, les autorités maliennes ont suspendu les processus d’accréditation des journalistes et expulsé le journaliste français de Jeune Afrique Benjamin Roger, quelques heures après son arrivée dans le pays, affirmant qu’il n’avait pas l’accréditation requise, comme l’a documenté le CPJ à l’époque. Le conseiller technique du ministère de la Communication, Harbert Traoré, avait déclaré à l’époque au CPJ que les journalistes accrédités qui se trouvaient déjà au Mali pourraient continuer à travailler.
Depuis, les accréditations de certains journalistes ont expiré et il n’y a actuellement aucun moyen d’obtenir une nouvelle accréditation, avait déclaré au CPJ un journaliste au courant de la situation. En réponse à une relance du CPJ concernant les processus d’accréditation au Mali, Traoré avait déclaré au CPJ via une application de messagerie que le ministère de la Communication n’avait pas encore pris de décision, sans plus élaborer.
Dans une vidéo publiée le 14 mars, Olivier Dubois, journaliste kidnappé au Mali, déclare avoir été enlevé par des jihadistes en avril 2021 et remercié sa famille pour les messages diffusés par RFI qu’il a entendus à la radio. Le CPJ a appelé à sa libération immédiate.