New York, le 4 août 2020 — Le régulateur des médias du Bénin doit lever son interdiction des médias en ligne non autorisés et s’abstenir de censurer les sites Web d’information, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 7 juillet, Rémi Prosper Moretti, président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), le régulateur des médias du pays, a émis une ordonnance exigeant que tous les médias en ligne « sans autorisation » cessent immédiatement de paraître ou encourent des sanctions, selon une copie de l’ordonnance examinée par le CPJ.
L’ordonnance ne précisait pas le type de sanction pouvant s’appliquer aux organes de presse, et le CPJ n’a pu déterminer si le régulateur avait ordonné à des médias spécifiques de se connecter dès aujourd’hui.
Le régulateur avait déjà menacé en 2017 de prendre des mesures similaires contre les médias en ligne, comme le CPJ l’avait documenté à l’époque.
« Les autorités béninoises n’ont absolument aucune raison d’ordonner aux médias en ligne de cesser de publier », a déclaré Angela Quintal, coordonnatrice du programme Afrique du CPJ. « Le public béninois mérite d’avoir accès à l’information quel que soit le format dans lequel elle est communiquée, sans ingérence indue ni réglementation et bureaucratie appliquées de manière créative. »
L’ordonnance alléguait que des médias en ligne non autorisés avaient enfreint l’article 252 du Code de l’information et de la communication du Benin de 2015. Cet article dispose que l’exploitation « d’un site Internet fournissant des services de communication audiovisuelle et de presse écrite à destination du public est soumise à l’autorisation » du régulateur, tout en précisant que l’ordonnance ne s’applique pas aux blogs.
Dans un communiqué du 10 juillet revu par le CPJ, Seth Évariste Nodonou, président du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel du Benin, une association locale de médias, s’est dit « étonne » parce que les médias en ligne avaient entamé le processus d’autorisation en mai. Le processus a été laissé inachevé par la HAAC, a-t-il affirmé. Le communiqué exhortait le régulateur à mettre fin à cette « tentative de musellement » qui entrave la « promotion de l’utilisation d’Internet ».
L’ordonnance a laissé les journalistes incertains quant à la manière de procéder à leur travail avant les élections présidentielles prévues pour début 2021, selon des articles de presse.
Les appels et SMS du CPJ au régulateur sont restés sans réponse. Un courriel envoyé à l’adresse électronique du régulateur n’a pas pu être envoyé car la boîte de réception était pleine.
Le 24 juillet, Alain Orounla, ministre béninois de la Communication et de la Poste, a rencontré le régulateur pour « explorer la manière et les moyens d’aboutir à une levée rapide de l’interdiction imposée par la HAAC sur les médias en ligne », selon un communiqué publié sur le site Web du gouvernement du Bénin. Des journalistes au Bénin, qui se sont entretenus avec le CPJ début août sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, ont déclaré que l’interdiction n’avait pas encore été levée, malgré la rencontre d’Orounla avec le régulateur.
Les appels du CPJ à Orounla n’ont pas abouti.
Fin 2019, les autorités béninoises ont arrêté Ignace Sossou, un journaliste du site d’information privé Benin Web TV, et l’ont condamné à 18 mois de prison pour ses publications sur les réseaux sociaux, comme le CPJ l’a documenté à l’époque. En mai, un tribunal a réduit sa peine à six mois de prison.