Miami, le 3 août 2020 — Les autorités haïtiennes doivent enquêter rapidement et en profondeur sur l’attentat par balles contre le journaliste Setoute Yvens et les menaces de mort proférées à l’encontre du journaliste Pradel Alexandre et identifier et poursuivre les personnes impliquées, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la Protection des Journalistes.
Le 28 juillet vers 20h45, dans le quartier Drouillard de la commune Cité-Soleil à Port-au-Prince, Yvens, journaliste et caméraman de Radio Télé Mégastar, rentrait chez lui du travail à moto lorsque deux hommes armés l’ont contraint à s’arrêter, selon des articles de presse et Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des Journalistes Haïtiens (AHJ), qui s’est entretenu avec le CPJ via une appli de messagerie. Les deux hommes ont accusé Yvens d’avoir publié des informations à leur sujet dans ses reportages sur des actes criminels dans la région, selon les mêmes sources, qui n’ont pas fourni de détails supplémentaires.
Yvens a pu s’échapper dans un véhicule qui passait au moment de l’attaque, laissant sa moto derrière lui. Trois balles ont été tirées sur la moto, qui porte un logo Radio Télé Mégastar, a constaté Yvens après avoir récupéré la moto avec l’aide de la police, selon les reportages.
Par ailleurs, le même jour, le chef présumé d’un gang criminel opérant dans la localité de Savien, dans la commune de Petite Rivière dans le département de l’Artibonite, a menacé de tuer Alexandre à l’antenne lors d’un entretien en direct avec la station Radio Delta Stéréo, selon des articles de presse et une déclaration de l’AJH publiée le 31 juillet, dont une copie a été envoyée au CPJ par Desrosiers. Le chef présumé s’est dit irrité des reportages d’Alexandre, correspondant de la Radio Nationale d’Haïti (RNH) à Saint-Marc et coordonnateur général de la Fédération des Journalistes de l’Artibonite, lequel avait établi un lien entre le chef présumé et des enlèvements dans la région, ont affirmé ces sources.
« L’attaque par balles contre Setoute Yvens et les menaces de mort contre Pradel Alexandre montrent que les autorités haïtiennes n’ont pas réussi à améliorer la grave situation des médias », a déclaré à New York le directeur de programme du CPJ Carlos Martínez de la Serna. « Les autorités doivent agir devant leur condamnation publique en prenant immédiatement des mesures pour identifier et punir les auteurs de ces actes de violence inacceptables contre les journalistes ».
Le CPJ a appelé la police judiciaire haïtienne pour commentaires les 3 et 4 août, mais les appels ont été acheminés à un répondeur automatique.
Le 30 juillet, le Bureau du Secrétaire d’État à la Communication a publié un communiqué condamnant l’attentat à l’encontre d’Yvens et les menaces proférées contre Alexandre, déclarant que « le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour lutter contre l’insécurité et le banditisme » et invitant les journalistes à porter plainte auprès des tribunaux « afin que les auteurs de ces actes puissent être identifiés et punis ».
Yvens a déclaré à Vant Bef Info le 28 juillet qu’il prévoyait de porter plainte au sujet de cet incident, qu’il a qualifié de « tentative de meurtre ». Alexandre a porté plainte auprès du bureau d’enquête du tribunal de première instance de Saint-Marc contre le chef de gang présumé, selon le communiqué du 31 juillet de l’AHJ.
En novembre 2019, le CPJ et Reporters Sans Frontières ont écrit une lettre aux autorités haïtiennes les exhortant à enquêter sur les attaques contre des journalistes, y compris les meurtres en 2019 des journalistes Pétion Rospide et Néhémie Joseph, qui restent non résolus à ce jour. Le CPJ n’a pas reçu de réponse à la lettre.