Abidjan, le 20 juin, 2019 — Les autorités camerounaises doivent libérer immédiatement le journaliste Paul Chouta et abandonner les poursuites pénales pour diffamation et propagation de fausses nouvelles à son encontre, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 28 mai, Chouta, qui travaille comme reporter pour le site d’informations privé Cameroon Web, a été arrêté par cinq agents de police dans la capitale camerounaise Yaoundé à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par l’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala, selon le rédacteur en chef de Cameroon Web Emmanuel Vitus, qui a communiqué avec le CPJ par l’intermédiaire d’une application de messagerie et d’une personne ayant connaissance de l’affaire et souhaitant garder l’anonymat de peur de représailles.
Chouta a été gardé à vue à la Direction générale de la police locale après son arrestation. Le 31 mai la libération sous caution lui a été refusée, selon son avocat, Emmanuel Simh, qui s’est entretenu avec le CPJ au moyen d’une application de messagerie. Le 10 juin, il a été accusé de diffamation, de propagation de fausses nouvelles et de discours de haine ; le chef d’accusation de discours de haine a été abandonné le lendemain et Chouta a été transféré à la prison de sécurité maximale de Kondengui à Yaoundé en attendant son procès, d’après Vitus et la personne ayant connaissance de l’affaire.
La prochaine comparution de Chouta est prévue pour le 9 juillet, a affirmé Vitus.
« Au lieu de détenir Paul Chouta dans une prison de sécurité maximale, les autorités doivent le libérer et encourager Calixthe Beyala de demander réparation par le biais des recours civils et non pas par une action pénale », a précisé Angela Quintal, Coordinatrice du Programme Afrique du CPJ à New York. « Les lois en matière de diffamation et de fausses nouvelles n’ont pas leur place dans un pays juste et équitable ; le Cameroun devrait changer ces lois. »
S’il est reconnu coupable, Chouta risque jusqu’à six mois de prison et une amende de 2 millions de francs CFA (3 447 dollars US) pour diffamation, et jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 1 million de francs CFA (1 723 dollars US) pour propagation de fausses nouvelles, conformément au Code pénal du Cameroun.
Dans plusieurs messages affichés sur la page personnelle Facebook de Beyala, que le CPJ a examinés mais qui ont été supprimés depuis ou mis sur « privé », Beyala prétendait que Chouta et d’autres individus non identifiés avaient fait des allégations diffamatoires sur sa vie personnelle dans les réseaux sociaux et sur la page d’informations de Le TGV de l’info que gère Chouta.
Le CPJ a appelé Beyala et lui a envoyé des messages sur Facebook et WhatsApp, sans recevoir de réponse.
Jean De Dieu Momo, ministre camerounais délégué auprès du ministre de la Justice a indiqué au CPJ dans un message WhatsApp qu’il « ignore si ‘journaliste web’ est une profession organisée en droit camerounais », et a refusé tout autre commentaire sur l’affaire.
Le CPJ a appelé et a envoyé des messages à Charles Manda, un conseiller auprès du ministre camerounais des Communications, et à Joyce Ndjem, responsable nationale de la communication auprès de la police camerounaise, mais n’a reçu aucune réponse.
Au cours des derniers mois, Chouta a fait à plusieurs reprises l’objet de menaces anonymes et a été attaqué en février devant son domicile par des personnes présumées être des agents du gouvernement, ainsi que l’a alors rapporté le CPJ.
Vitus a informé le CPJ qu’il soupçonnait les accusations sévères portées par le gouvernement contre Chouta d’être des représailles à la suite de reportages faits par Chouta sur le gouvernement. Le rédacteur en chef a décrit Chouta comme étant un critique énergique de Paul Biya, Président du Cameroun depuis 1982. Les reportages récents de Chouta couvraient des sujets tels que l’arrestation d’un ancien membre du gouvernement camerounais et des allégations de violences contre la police et contre un journaliste pro-gouvernemental.
Le Cameroun est le pays qui emprisonne le plus grand nombre de journalistes en Afrique après l’Égypte et l’Érythrée, avec au moins sept journalistes derrière les barreaux pour n’avoir fait que leur travail, au 1er décembre 2018, selon le recensement annuel des prisons du CPJ. C’est le pays du monde qui emprisonne le plus grand nombre de journalistes inculpés de propagation de fausses nouvelles après l’Égypte, selon le recensement.