Goma, Congo, 17 mai 2019 — L’organisme de régulation des médias du Gabon devrait lever immédiatement les suspensions du trihebdomadaire L’Aube et de l’hebdomadaire Échos du Nord, et donner aux journalistes la liberté de couvrir les questions d’intérêt public, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 20 mars, la Haute autorité de la communication, organisme de régulation des médias du Gabon, a ordonné au journal Échos du Nord de suspendre sa parution pendant quatre mois suite à une plainte pour diffamation de la présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon, Marie-Madeleine Mborantsuo, selon les informations parues dans la presse.
Le 10 avril, l’autorité a rendu une ordonnance suspendant la parution de L’Aube pendant six mois suite à la diffamation présumée de Maixent Accrombessi, ancien chef de cabinet du Président gabonais Ali Bongo, selon Melissa Bendome, conseillère technique auprès de l’autorité, qui s’est entretenue avec le CPJ par l’intermédiaire d’une application de messagerie.
Le CPJ s’est entretenu avec Liliane Bilogho Ndong Nang, directrice de l’information gouvernementale du cabinet du Premier ministre, dans le but de joindre Accrombessi et Mborantsuo et de recueillir leurs commentaires, mais Bilogho a refusé de communiquer leurs coordonnées.
« Les suspensions des journaux L’Aube et Échos du Nord par l’organisme de régulation des médias du Gabon adressent un message inquiétant à l’ensemble des journalistes pour leur faire comprendre que toute chose jugée indésirable par les gens puissants du pays peut constituer un motif de censure intégrale, » a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, depuis Durban. « Les journalistes doivent être libres de communiquer l’information au public dans la forme qu’ils jugent appropriée, sans crainte. »
L’ordonnance de suspension du journal Échos du Nord a fait suite à la publication par le journal le 4 février d’un article sur le pouvoir croissant de Mborantsuo dans le pays, selon le site web d’actualités Gabon Review. Mborantsuo a déposé une plainte auprès de la Haute autorité de la communication, et l’organisme de régulation a qualifié l’article de « diffamatoire », de « vindicatif » et d’« outrageusement acrimonieux », selon le site Review.
La publication écrite hebdomadaire des Échos du Nord‘ est suspendue depuis le 20 mars selon les informations parues dans la presse. Son site web n’a pas été mis à jour depuis 2017.
Le rédacteur en chef de L’Aube, Orca Boudiandza Mouellé, a déclaré au CPJ par téléphone le 7 mai que le journal avait cessé toute publication le 10 avril après l’annonce de la décision de l’organisme de régulation à la télévision gabonaise, et qu’il n’avait toujours pas reçu l’avis formel de la suspension. Le journal ne possède pas de site web, a déclaré Mouellé au CPJ.
L’avocat d’Accrombessi a déposé une plainte auprès de l’organisme de régulation des médias après la publication par L’Aube d’un texte satirique le 1er avril censé être un poisson d’avril, dans lequel Accrombessi parlait, de façon caricaturale, de piller le Gabon et de manipuler le président, selon Mouellé et les informations parues dans les médias.
Le 8 avril, L’Aube a publié une mise au point expliquant que l’article du 1er avril était une satire, comme on peut le voir sur une image du journal publiée par le radiodiffuseur en ligne Benin Web TV.
L’ordonnance de suspension de la Haute autorité de la communication mentionnait également une interview réalisée par L’Aube du fondateur d’Échos du Nord, Désiré Ename, publiée le 25 mars, suite à la suspension d’Échos du Nord, dans lequel Ename évoquait l’organisme de régulation en « des termes péjoratifs et sarcastiques », selon le quotidien français Le Figaro.
En 2016, les bureaux d’Échos du Nord ont été perquisitionnés par l’Agence nationale de renseignements du Gabon, plusieurs membres de son personnel ont été arrêtés et l’un aurait été torturé pendant une interrogation, comme l’a rapporté le CPJ à l’époque.
L’Aube avait déjà été suspendu pendant trois mois en novembre 2018 après avoir publié un article sur la santé prétendument précaire de Bongo, selon le service de diffusion Voice of America financé par le Congrès américain.
Le CPJ a appelé Tiburce Armand Nziengui Boussougou, conseiller auprès de la directrice de l’information gouvernementale, qui a répondu mais s’est refusé à tout commentaire sur l’état de la liberté de la presse au Gabon.
Au début de l’année, le gouvernement gabonais a coupé les interrompu les services Internet et de radiodiffusion dans tout le pays suite à une tentative de coup d’État contre Bongo, comme l’a rapporté le CPJ à l’époque.