New York, le 29 janvier 2014— Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est alarmé par les récentes détentions de journalistes au Niger suite au durcissement du ton du ministre de la Justice envers les détracteurs du pouvoir qui s’expriment dans la presse locale.
Quatre journalistes ont ainsi été interpelles pour des interrogatoires, y compris deux qui sont restés en garde à vue au début de cette semaine. Pourtant, l’ordonnance N° 2010-35 du 04 juin 2010 portant régime de la liberté de presse au Niger interdit les détentions préventives de journalistes pour des infractions liées à leur profession, selon les recherches du CPJ. En novembre 2011, le président nigérien Mahamadou Issoufou a été le premier chef d’État africain à adhérer à la Déclaration de la Montagne de la Table, qui exhorte tous les pays africains à abroger les lois sur la diffamation et l’injure.
« Depuis la transition démocratique de 2009, les autorités du Niger ont souvent été cités comme un exemple pour leur respect de la liberté de la presse, mais l’usage du code pénal et la mise de journalistes sous garde à vue font reculer le pays vers les pratiques répressives du passé», a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons aux autorités nigériennes d’adhérer au code la presse qui régit les médias et d’arrêter d’user des menaces de poursuites pénales comme moyen de pression sur les journalistes », a-t-il ajouté.
Lundi, la police judiciaire de Niamey, la capitale nigérienne, a arrêté Ousmane Dambadji, directeur de publication du journal L’ Union, et Zakari Adamou, animateur d’une émission-débat sur la chaîne indépendante Canal 3, selon des journalistes locaux et des médias. Leurs arrestations avaient un lien avec des commentaires diffusés lors d’un débat sur ladite chaîne en janvier courant. L’un des invités de l’émission avait déclaré qu’il y aurait des personnes qui font des prières pour que le régime au pouvoir tombe, selon les mêmes sources.
Le 23 janvier, la police judiciaire a également arrêté Soumana Idrissa Maïga, directeur de publication du quotidien indépendant L’Enquêteur, selon les médias locaux. Les autorités ont accusé Maïga de menacer la sécurité nationale à travers un article publié dans son journal en date du 17 janvier courant. L’article déclarait que les jours du parti au pouvoir au pouvoir étaient comptés.
Le 25 janvier courant, Abdoulaye Mamane, animateur d’une émission-débat en langue haoussa sur la Radio Télévision Bonferey, a lui aussi été arrêté. Un de ses invités avait accusé le président de corruption lors d’une émission en date du 16 janvier courant, selon des médias locaux . L’invité en question avait été également arrêté.
Un juge a ordonné lundi la libération sans inculpation de Maïga et Mamane, selon des médias et des journalistes locaux.
Dans une interview aujourd’hui avec l’agence de presse américaine, The Associated Press, le ministre de la Justice Marou Amadou a accusé les quatre journalistes d’avoir proféré de fausses accusations et des « appels à la haine et à la violence ». La semaine dernière, lors d’une conférence de presse, Amadou avait averti que le gouvernement allait réprimer ce qu’il a qualifié comme des « appels à la haine ethnique, à l’insurrection ou au coup d’état » dans les médias.
Ce dernier a mentionné que certains commentaires sont allés jusqu’à menacer de « déloger tour à tour le premier ministre et le président de la République, dans un style insurrectionnel » du style du printemps arabe. Amadou a reconnu la signature de la Déclaration de la Montagne de la Table et la dépénalisation des délits de presse par le président, soulignant cependant que le fait de contester le cadre démocratique ou d’appeler à la déstabilisation du pays sont des infractions punissables en vertu du code pénal nigérien.