New York, le 4 novembre, 2013- Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) appelle les autorités maliennes et françaises à diligenter une enquête sur le meurtre, survenu samedi, de deux journalistes français et de traduire les responsables en justice.
Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux journalistes de la Radio France Internationale (RFI), sont les premiers journalistes tués au Mali en rapport direct avec leur profession depuis 1992, l’année où le CPJ a commencé à comptabiliser minutieusement les cas de meurtres de journalistes.
«Le CPJ est choqué et attristé d’apprendre les meurtres de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, qui ont tous deux consacré leur vie à informer le monde sur l’actualité dans les pays et régions instables », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous regrettons de devoir ajouter le Mali à la liste des pays où des journalistes ont été tués dans l’exercice de leur profession. Les autorités maliennes et françaises doivent faire tout leur possible pour retrouver et traduire les meurtriers en justice », a-t-il ajouté.
Des hommes armés ont enlevé dans la ville de Kidal Ghislaine Dupont, journaliste chevronnée, et Claude Verlon, ingénieur du son. Selon des médias, ils ressortaient d’une interview aux environs de 13h au domicile d’Ambery Ag Rissa, un dirigeant du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), un groupe séparatiste touareg, lorsqu’ils ont été enlevés. La situation sécuritaire à Kidal, un bastion du MNLA, est précaire depuis l’intervention militaire dirigée par la France en janvier 2013 et qui a permis de mettre en déroute les militants d’Al-Qaïda qui avait pris le contrôle de la moitié nord saharienne du pays, selon ses médias.
Les troupes françaises sont stationnées au Mali aux cotés de la force internationale de maintien de la paix des Nations Unies qui a reçu le mandat d’assurer la « protection des civils en proie à la menace imminente de violences physiques », entre autres. Dans un communiqué publié le 3 novembre courant, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné les meurtres et a appelé les autorités maliennes à veiller à ce que les assassins des journalistes soient traduits en justice.
« L’ONU devrait soutenir les enquêtes en conformité avec son mandat de protéger les civils et son nouveau plan visant à assurer la sécurité et la protection des journalistes », a déclaré M. Keita du CPJ.
Selon les medias, Mme Dupont et M. Verlon étaient à leur deuxième mission à Kidal depuis qu’ils ont couvert le premier tour de l’élection présidentielle au Mali en juillet dernier.
Ghislaine Dupont, 57 ans, était spécialiste de l’Afrique depuis plus de 25 ans à RFI, selon ladite station. Elle a couvert le conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée, ainsi que les guerres civiles en Angola, en Sierra Leone et en République démocratique du Congo (RDC), d’où elle a été expulsée en 2006, en représailles à ses reportages. Mme Dupont était affectueusement appelée « Gigi » par ses collègues et avait été promue au comité de rédaction de la station en septembre dernier, selon RFI.
Technicien chevronné, Claude Verlon, 55 ans, a rejoint RFI en 1982 et avait voyagé avec les équipes de reporters en Afghanistan, au Liban, en Irak et à travers l’Afrique, selon RFI. Il était connu pour ses prouesses techniques.
Lors d’une conférence de presse tenue dimanche dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré que les corps des journalistes ont été retrouvés à côté de leur véhicule en dehors de la ville. M. Fabius a accusé les groupes terroristes proches d’Al-Qaïda d’être l’auteur de l’assassinat. « Un crime contre des journalistes est un double crime: un crime contre des personnes, froidement assassinées dans des conditions odieuses, mais aussi un crime contre la liberté d’informer et d’être informé », a déclaré M. Fabius.
Des enquêtes officielles sont en cours en France et au Mali et plusieurs suspects ont été arrêtés, a rapporté RFI.