New York, le 6 mars 2013–Des agents de renseignement du Mali ont aujourd’hui arrêté un journaliste après la publication par son journal d’une lettre ouverte critiquant le salaire et les avantages accordés à l’ancien putschiste, le capitaine Amadou Haya Sanogo, selon des médias et des journalistes locaux.
Six agents de la Sécurité d’État Mali ont arrêté Boukary Daou, directeur de publication du quotidien Le Républicain dans son bureau à Bamako, la capitale, selon Assane Koné, rédacteur en chef dudit quotidien. M. Koné a déclaré au CPJ que plusieurs journalistes se sont rendus au siège dudit service pour s’enquérir de la situation de M. Daou, mais les autorités ont nié sa détention. Cependant, des journalistes et l’Agence France-Presse, citant des sources auprès des services de sécurité malienne, ont plus tard confirmé la détention du journaliste.
L’AFP a rapporté que l’arrestation de M. Daou était liée à la publication par Le Républicain, dans son édition de mercredi, d’une lettre ouverte écrite par un individu, se présentant sous le nom de « Capitaine Touré » qui prétend être un officier de l’armée malienne combattant dans la guerre menée par l’armée française et des forces africaines dans la région septentrionale du Mali contre des militants d’Al-Qaïda. Dans cette lettre adressée au président Dioncounda Traoré et à laquelle était joint un article, l’auteur s’est insurgé contre la rémunération financière que le gouvernement s’était engagé à verser au capitaine Sanogo, qui avait mené le coup d’État du 22 mars 2012. L’auteur, qui s’est interrogé pourquoi un soldat putschiste est récompensé, a menacé de déserter le champ de bataille si le gouvernement ne retirait pas cette allocation financière, selon l’AFP.
Un décret présidentiel datant de janvier dernier avait nommé le capitaine Sanogo à la tête d’une commission chargée de la réforme des forces de sécurité et de défense du Mali, lui octroyant un salaire et d’autres avantages qui feraient de lui le fonctionnaire le mieux payé du pays, selon des médias. Sanogo a cédé le pouvoir au gouvernement de Dioncounda Traoré trois semaines après le coup d’État de 2012, qui a précipité le pays dans l’instabilité. Des séparatistes Touaregs et des militants d’Al-Qaïda se sont ensuite emparés de la moitié nord du pays.
Les appels répétés à Manga Dembélé, ministre malien de la Communication et porte-parole du gouvernement, sont restés sans suite. Le porte-parole dudit ministère, Allassane Souleymane, a déclaré au CPJ qu’il n’avait aucune information à propos de l’arrestation.
« L’arrestation arbitraire de Boukary Daou est un autre exemple qui montre que les agents de sécurité maliens agissent au mépris des règles du droit et des garanties prévues par la constitution pour intimider les journalistes au nom de la sécurité nationale », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons au gouvernement de libérer M. Daou immédiatement et de veiller à la protection de ses sources », a-t-il martelé.
Au moins trois journalistes ont été harcelés par des agents de la sécurité d’État au Mali depuis le coup d’État de mars 2012. Les directeurs de publication Biram Fall et Saouti Labass Haïdara ont été arbitrairement arrêtés en mai dernier suite à des articles critiquant la gestion des autorités. Habi Baby, également directeur de publication, a été détenu pendant huit jours en juin dernier.
- Pour plus de données et d’analyses sur le Mali, veuillez consulter le rapport Attaques contre la presse du CPJ.