Des scénarios civils, allant des scènes de crime aux émeutes, peuvent engendrer des situations imprévisibles et dangereuses. Les journalistes doivent veiller aux mesures d’autoprotection pour éviter de se retrouver en situation de risque physique ou juridique.
Des scénarios civils, allant des scènes de crime aux émeutes, peuvent engendrer des situations imprévisibles et dangereuses. Les journalistes doivent veiller aux mesures d’autoprotection pour éviter de se retrouver en situation de risque physique ou juridique.
La première responsabilité de chacun parmi les « premiers à répondre », y compris la police, les travailleurs d’ambulance et les sapeurs-pompiers, de même que les journalistes, est de se protéger en étudiant la scène et en étant conscient des dégâts possibles, comme un trafic routier qui se poursuit, des lignes électriques, et la fuite de combustibles ou de produits chimiques ou de gaz nocifs. Comme dans d’autres situations, vous devez être assez près pour observer la scène sans vous mettre en danger vous-même ou les autres, ou interférer avec les opérations de sécurité ou de secours. Les photojournalistes doivent appliquer un jugement similaire, comprendre qu’ils doivent être assez près pour enregistrer les évènements. En général, les autorités établissent un périmètre afin de tenir les spectateurs, y compris les journalistes, à distance; vous pouvez demander, mais vous ne pouvez généralement pas exiger, un point de perspective plus proche que les autres spectateurs. Ceci dit, il faudrait encourager les autorités à fournir aux journalistes une position stratégique leur permettant de voir les opérations. Plus tard, les rédacteurs en chef devraient discuter des questions d’accès avec les responsables des services de police et d’urgence sur une base continue et élaborer des lignes directrices mutuellement convenues pour la couverture de l’actualité en situation d’urgence.
Le fait de traverser des barrières de police ou désobéir à des ordres de police pourrait mener à une arrestation. Être respectueux aussi bien dans le ton que dans le comportement est en général la manière de procéder. Les journalistes qui couvrent des scènes d’urgence ou de sauvetage doivent aussi afficher visiblement leurs accréditations de presse à tout moment.
Des confrontations surgissent parfois entre les autorités et les journalistes qui couvrent une scène donnée. La reporter américaine Diane Bukowski a été jugée coupable de crimes, notamment d’obstruction et d’avoir mis en danger la vie de deux militaires de l’état du Michigan, pendant qu’elle rendait compte de l’actualité concernant un accident mortel impliquant un motocycliste qui était poursuivi par un véhicule de police de l’Etat. Les autorités ont prétendu que Mme Bukowski a traversé une barrière de police; elle a cependant soutenu qu’elle n’a pas fait d’infraction et qu’elle prenait des photos à une certaine distance de l’un des défunts.
Les théâtres de crimes violents peuvent être plus compliqués à couvrir. L’autoprotection est encore une fois, la première règle. Au cours d’une prise d’otage ou d’un autre scénario non résolu, faites attention de ne pas vous exposer à des risques de perturbations supplémentaires. Une question à se poser est de savoir si les auteurs pourraient toujours se trouver dans la région. Dans le cas d’une attaque terroriste ou autre action visant à attirer l’attention du public, envisagez l’éventualité d’autres attaques. Le CPJ a recensé des dizaines de cas où des journalistes présents sur le terrain, suite à une première explosion, ont été tués ou blessés dans l’explosion d’une seconde bombe. Dans l’éventualité d’une deuxième attaque ou double attentat, vous pourriez rester sur la périphérie et interroger les témoins qui viennent de quitter la zone.
Affichez clairement vos informations d’identification sur les scènes de crime, notamment les cartes de presse émises par les autorités locales chaque fois que possible. (Voir la section sur les cartes de presse dans le Chapitre 1.) Evitez les confrontations avec les autorités; en de pareilles circonstances, avoir des relations avec les responsables chargés de l’application de la loi est utile. (Voir la section sur la Préparation de base au Chapitre 5.) Et éviter tout contact avec les objets qui constituent des preuves potentielles, ne déplacez aucun objet de la scène du crime.
Les témoins et autres survivants d’événements violents peuvent être secoués ou traumatisés. « Les journalistes chercheront toujours à approcher les survivants, mais ils devraient le faire avec sensibilité, y compris en sachant quand et comment battre en retraite », a souligné le Centre Dart pour le Journalisme & Traumatisme dans son guide,Tragédies et journalistes. Plus que toute autre chose, cela signifie respecter les souhaits des survivants de se faire interroger ou non ou d’accepter ou non que leurs émotions soient enregistrées; En réalité, la manifestation d’un tel respect, peut bien amener les survivants à s’ouvrir davantage à la presse. Les autorités des services de police et de secours peuvent également être traumatisées. Comprenez que ce n’est pas forcément le meilleur moment ou le seul moment de poser des questions aussi bien aux survivants qu’aux autorités.
Vous n’avez pas le droit d’empiéter sur la propriété privée dans le cadre de la couverture d’un événement. Les journalistes peuvent jouir d’un accès limité à la propriété privée lors de la couverture des rassemblements politiques ou des événements annoncés publiquement. Apprenez à l’avance les lois et règlements en vigueur.
Les journalistes des Etats-Unis d’Amérique et ceux d’autres pays ne peuvent pas pénétrer dans une propriété privée sans le consentement du propriétaire ou du résident, même s’ils accompagnent les autorités de police qui répondent à une situation. «Même lorsque les journalistes y ont un libre accès, ils peuvent être arrêtés pour violation et les propriétaires peuvent les poursuivre en justice après les faits, cherchant dommages et intérêts pour violation de propriété ou intrusion dans la vie privée »a indiqué le Reporters Committee for Freedom of the Press(Comité des journalistes pour la liberté de presse basé) basé aux Etats-Unis d’Amérique, dans son Guide de terrain.
Dans la plupart des pays, vous avez le droit d’accéder à la propriété privée lorsqu’elle est ouverte au public en général, bien que votre droit d’enregistrer électroniquement les événements, contrairement à la prise de notes, puisse toujours être limité. Les événements ou rassemblements politiques qui ont lieu sur une propriété privée pouvant inclure l’espace loué ou le terrain d’une école publique ou d’autres infrastructures gouvernementales, sont souvent des sites litigieux entre les autorités et les journalistes. Les tribunaux estiment souvent que les propriétaires privés ou les locataires de l’espace (même s’il s’agit d’une propriété publique comme un parc ou une école) ont le droit de refuser aux journalistes l’utilisation de caméras vidéo ou d’enregistreurs audio, et demander aux journalistes de quitter les lieux si ces derniers refusent d’obtempérer.
Les journalistes qui refusent de quitter les lieux peuvent être arrêtés pour intrusion illicite aux Etats-Unis d’Amérique et dans d’autres pays. Certains journalistes estiment qu’ils n’ont pas eu le temps de quitter après avoir reçu l’ordre de vider les lieux. En 2010, le rédacteur en chef de l’Alaska Dispatch, Tony Hopfinger a été arrêté et meunotté par un agent de sécurité privé, après avoir posé des questions à un candidat au sénat américain à la suite d’une réunion annoncée publiquement dans une école publique louée pour la campagne. Lorsqu’elle est arrivée sur les lieux, la police a enlevé les menottes, et libéré M. Hopfinger qui n’a pas été accusé d’un crime.
Les journalistes doivent faire très attention dans la couverture des événements qui se déroulent à l’intérieur ou à proximité des propriétés privées. Il leur est fortement recommandé d’afficher clairement leur carte de presse à tout moment lors de la couverture d’évènements dans une propriété privée.
Les journalistes couvrant les manifestations et autres troubles civils violents sont exposés à des risques physiques et juridiques tous azimuts, souvent au même moment. Près de 100 journalistes sont morts alors qu’ils couvraient des manifestations de rue et autres troubles civils de 1992 à 2011, selon des recherches du CPJ. En 2011, près de 40 pour cent des décès liés à l’exercice du journalisme sont survenus au cours de telles missions, le chiffre le plus élevé que le CPJ ait jamais enregistré.
La forme physique est un facteur important dans la couverture des situations qui pourraient soudainement devenir violentes; les journalistes dont la mobilité est limitée doivent évaluer les risques à l’avance. Se préoccuper de l’endroit où l’on se trouve à tout moment est également une posture essentielle, et cela signifie habituellement trouver un point de vue qui permet l’observation à la fois des manifestants et de la police anti-émeute ou autres autorités sans se retrouver entre eux. Soyez conscient de la façon dont ces événements se sont produits aux mêmes endroits dans le passé. Identifiez des voies de sortie à l’avance, et envisagez de travailler en équipe lors de la couverture de toute situation potentiellement violente. Les équipes de photographes et d’écrivains, de cadreurs et de preneurs de son, et de producteurs et de correspondants permettent aux journalistes de veiller à la sécurité des uns et des autres.
Dans plusieurs pays, les entreprises de presse ont recruté des équipes de sécurité pour accompagner les journalistes. La vague d’attaques contre les journalistes pendant et après la révolution égyptienne de 2011 atteste des situations violentes que les journalistes peuvent rencontrer lors des manifestations civiles. Les journalistes devraient aussi connaître les lois et pratiques en vigueur au cas où les agents de police ou les manifestants exigeraient de visualiser ou de confisquer les cartouches vidéo ou autre matériel d’enregistrement leur appartenant.
Les vêtements devraient être judicieusement choisis et les journalistes devraient apprécier s’il serait mieux de se démarquer ou de se fondre dans la masse. Les vêtements devraient être amples et faits de tissu naturel, étant donné que les matières synthétiques peuvent prendre feu et brûler beaucoup plus vite, a suggéré la Fédération internationale des journalistes basée à Bruxelles. De bonnes chaussures munies de talons appropriés et souples et de semelles antidérapantes sont également vivement recommandées.
Essayez de vous maintenir hors de danger. On pourrait penser d’un journaliste qu’il est un arbitre sur le terrain: L’arbitre doit être assez proche pour observer le jeu avec précision, mais il doit prendre toutes précautions pour éviter d’être mêlé à l’action. Lors de la couverture de manifestations ou d’émeutes, évitez d’être pris entre les groupes qui s’affrontent ou de se retrouver au milieu de n’importe quelle foule. « Marchez le long des côtés des manifestants » recommande le journaliste suisse Dominik Bärlocher sur le site Web du Projet de journalisme canadien J-Source. «Les gens qui jettent des pierres et autres choses le font d’habitude à partir du milieu de la foule de manifestants, où ils peuvent facilement se fondre dans la masse », a-t-il dit.
La décision d’afficher sa carte de presse ou de la dissimuler (mais toujours à portée de main pour pouvoir la montrer en cas de demande) est importante pour les journalistes de la presse écrite qui couvrent les manifestations civiles. Dans certaines circonstances, il peut être préférable de ressembler à tout autre civil et de garder votre carte de presse hors de portée de vue, mais dans une poche fermée et rapidement accessible, comme le suggère M. Bärlocher sur J-Source. Dans l’un ou l’autre cas, les journalistes doivent éviter de porter des vêtements comme un bandana de couleur ou un brise-vent bleu, ce qui pourrait leur donner l’air d’un manifestant ou d’un agent de police. Dans les situations où il pourrait être dangereux de se faire prendre pour un manifestant, tous les journalistes devraient afficher clairement leur carte de presse. Pour les journalistes de radio et de télévision, et les autres journalistes utilisant du matériel pour enregistrer des événements, il est presque toujours préférable d’afficher une carte de presse laminée.
Ne jamais ramasser un objet jetée dans une manifestation. Cela pourrait non seulement être un engin explosif ou inflammable de fabrication locale, mais par un tel geste, la police pourrait vous prendre pour un manifestant.
Pensez à ce que vous pouvez prendre sur vous lorsque vous couvrez une manifestation ou un événement similaire. M. Bärlocher recommande un pack avec «au moins une lanière sur la poitrine et … une autre autour de la taille » pour « éviter qu’il se mette à bondir et vous gène, en particulier lors que vous courrez. « Tout ce qui se trouve dans le pack devrait être durable; les articles à porter sur soi comprennent de l’eau en bouteille (de préférence dans une poche latérale ouverte), une serviette, et une petite trousse de premiers secours. Sachez, toutefois, que le fait de porter un sac à dos comme le font souvent les manifestants, pourrait amener les policiers à vous confondre avec un manifestant.
Le fait de prendre sur soi un citron vert, citron, ou autre type d’agrume peut être une bonne idée, selon la Fédération internationale des journalistes. Le fruit peut être pressé sur une zone affectée de la peau pour aider à neutraliser les produits chimiques irritants. Une serviette humide peut aider à protéger votre visage contre les effets d’agents tels que le gaz lacrymogène ou les cocktails Molotov. Un masque à gaz, des lunettes de natation, ou une protection oculaire industrielle peut aussi aider à se protéger contre les gaz lacrymogènes ou le gaz poivré. (Evitez de porter des lentilles de contact si vous pensez que les gaz lacrymogènes ou le gaz poivré peuvent être utilisés.) Des gilets légèrement blindés conçus pour arrêter les coups de couteau ou les balles en caoutchouc et des casquettes métalliques peuvent être recommandés dans des situations particulièrement incontrôlées. La Fédération internationale des journalistes recommande aux vidéastes et photographes de porter sur eux des cartouches « dud » ou cartes mémoire, à remettre à la place des vrais, si on vous leur demande.
Les journalistes devraient obéir aux ordres de la police, bien que les autorités arrêtent parfois les journalistes, sans sommation préalable. Au moins quatre journalistes ont été parmi les centaines arrêtés alors qu’ils étaient en train de couvrir des manifestations liées à la Convention nationale républicaine de 2008 à Saint-Paul, au Minnesota. Les journalistes ont été arrêtés sans avertissement au moment où la police a tenté d’enfermer dans un corral les manifestants et les journalistes qui couvraient leur manifestation dans un parking clôturé. Quelques jours plus tard, la police a arrêté des dizaines de journalistes ainsi que des centaines de manifestants après avoir bouclé les deux côtés d’un pont de l’autoroute.
Restez calme si vous êtes arrêté. Si vous choisissez de vous opposer à l’officier qui tente de vous arrêtez, vous risquez d’aggraver votre situation. Si vous avez l’occasion de parler, faites tout pour avoir une attitude professionnelle lorsque vous expliquez que vous êtes un journaliste en train de couvrir l’évènement. (Quel que soit la sympathie que vous avez pour quelque acteur que ce soit sur le terrain, ne le manifestez pas; ce qui est toujours important, c’est que le journaliste agisse sur le terrain non pas comme un participant, mais en tant qu’observateur). Si les autorités décident de procéder à votre arrestation, conformez-vous à leur décision et attendez d’en avoir l’occasion pour rendre compte de votre situation calmement à une autorité de tutelle.