New York, 17 janvier 2008—La police de la capitale tchadienne, N’djamena, a fermé mercredi par la force une station de radio et a arrêté son directeur sur des allégations de diffamation, suite à la diffusion d’un communiqué de presse d’une association qui milite pour la défense des consommateurs, selon les journalistes locaux et les médias.
Les locaux de la radio FM Liberté sont ainsi restés fermés sous surveillance policière aujourd’hui et le directeur de cette station, Djekourninga Kaoutar Lazare, va devoir passer sa deuxième nuit consécutive en détention, soulignent les journalistes locaux.
En effet, une douzaine de policiers en civil sont entrés sans mandat mercredi dans les locaux de FM Liberté, peu avant 18H, au moment où les journalistes préparaient la diffusion du journal de 19H, a dit au CPJ le directeur des programmes, Eleyakim Dokpane Vanambyl. La police a alors fermé les bureaux suite au refus des journalistes de remettre les enregistrements de tous les programmes diffusés depuis lundi dernier, a-t-il dit. La police avait placé en garde à vue le coordonateur des programmes, Madji Madji Odjitan, pendant une heure avant d’arrêter M. Djekourninga.
Dans un entretien téléphonique aujourd’hui avec le CPJ depuis le commissariat de police ou il est détenu, M. Djekourninga a déclaré qu’il a été officiellement arrêté en rapport avec la diffusion lundi dernier par FM Liberté d’une pétition de l’association tchadienne pour la défense des droits des consommateurs adressée au ministre tchadien de l’intérieur et de la sécurité, Ahmat Mahamat Bâchir. La pétition, rédigée par le secrétaire général de l’association, Daouda Elhajj Adam, protestait contre les frais administratifs à payer pour obtenir les documents d’identification du gouvernement, selon des recherches du CPJ. La police a arrêté M. Adam ce matin, bien qu’aucune accusation n’ait été immédiatement formulée, selon les journalistes locaux.
La pétition a été diffusée par beaucoup d’autres stations de radio et publiée dans les journaux de la place, selon Mahamat Abdoulaye Hassan, un sous-éditeur de la station privée Dja FM. Les journalistes locaux ont indiqué que la fermeture de FM Liberté est peut être due à de récentes interviews de la station qui ont été critiques à l’égard du gouvernement tchadien. FM Liberté a interviewé lundi dernier un militaire blessé qui alléguait que les anciens combattants appartenant au même groupe ethnique, Zaghawa, que le président Idriss Deby Itno recevaient un meilleur traitement médical que les autres, ont-ils dit. La station avait aussi interviewé samedi dernier des partisans et membres de l’opposition, dont Kelepete Dono. Selon les sources locales, la police a arrêté M. Dono aujourd’hui alors qu’aucune accusation n’a été immédiatement formulée.
Le ministre tchadien de la communication, Moussa Doumgor, n’a pas immédiatement répondu aux appels du CPJ pour des commentaires sur cette affaire.
« Nous sommes profondément troublés par la fermeture arbitraire de FM Liberté et l’arrestation de ses journalistes par le gouvernement tchadien », a déclaré le directeur exécutif du CPJ, Joel Simon. « Nous appelons les autorités tchadiennes à libérer Djekourninga Kaoutar Lazare immédiatement et à permettre à FM Liberté de reprendre l’antenne » a-t-il martelé.
Il convient de rappeler que FM Liberté a été lancé en 2000 par une coalition d’organisations locales des droits de l’Homme comme moyen de promotion de la justice sociale et de la règle de droit.
Il faut noter que les tensions entre les medias privées et le gouvernement tchadien ont augmenté ces dernières semaines après que le ministre tchadien de l’intérieur et de la sécurité, M. Bâchir, a menacé de « casser la plume des journalistes qui écrivent n’importe quoi » selon des recherches du CPJ. Ces propos du ministre étaient en réponse à un éditorial critique publié dans l’hebdomadaire privé Notre Temps.
Les autorités tchadiennes ont appelé à l’unité nationale en réponse à une rébellion et des conflits intercommunaux qui se sont déclenchés dans l’Est du Tchad en proie à des agitations, ainsi qu’à des tensions croissantes avec le Soudan voisin.