New York, le 25 octobre 2007—Un ministre du gouvernement congolais a invité deux journalistes de la télévision à son bureau dans la capitale, Kinshasa, et a alors ordonné à la police de les bastonner lorsqu’ils sont arrivés, ont annoncé les médias et l’organisme local de défense de la liberté de presse « Journaliste en Danger ». Cet incident est survenu juste après l’annonce d’un décret gouvernemental sommairement frappant d’interdiction de diffusion 38 stations de radio et télévision privées sur présomption de non-conformité a la réglementation du secteur audiovisuel.
En effet, le ministre congolais de l’enseignement supérieur, Sylvain Ngabu, a ordonné aux policiers de bastonner le directeur du service des informations de la chaîne de télévision privée « Horizon 33 », Heustache Namunanika, et son cameraman, Didier Lofumbwa, après la diffusion par cette chaîne d’une émission débattant sur la décision de M. Ngabu de suspendre Dieudonné Kalindye, le recteur d’une université locale, selon les médias. Dans cette émission, diffusée le 19 octobre dernier, et deux jours plus tard encore, M. Namunakia avait soulevé des questions critiques sur le rôle du gouvernement dans la controverse, après avoir interviewé M. Ngabu et M. Kalindye.
M. Lofumbwa était en train de préparer sa caméra pour filmer M. Ngabu, lorsque cinq agents armés l’ont attaqué de derrière, le bastonnant avec des crosses de fusils tout en le traînant hors du bureau, a-t-il dit au CPJ. Il a subi un traitement pour blessures légères et des douleurs au niveau de sa poitrine, selon M. Namunika, qui a échappé à cette bastonnade mais dont les habits ont été déchirées dans la bagarre.
Le ministre congolais de l’information, Toussaint Tshilombo Send, n’a pas immédiatement répondu aux appels du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), mais son directeur de cabinet, Faustin Fwafa, a déclaré que M. Send « a déploré » cet incident, ajoutant que cette question sera discutée en conseil de ministre vendredi.
Une plainte contre M. Ngabu et les gardes pour détention illégale, attaque et coups et blessures a été déposée mercredi au nom des journalistes, a dit au CPJ l’avocat de la défense, Jean-Pierre Ngunda.
« Nous sommes outragés qu’un ministre du gouvernement appelle deux journalistes à son bureau sous prétexte d’une interview, afin de les prendre au piége et puis ordonner à la police de les bastonner et les traîner dehors », a déclaré le directeur exécutif du CPJ, Joel Simon.
« Il est inconcevable qu’un président démocratiquement élu comme Joseph Kabila, qui doit rencontrer cette semaine le président Bush à La Maison Blanche, puisse approuver un tel comportement de la part d’un de ses ministres. Nous espérons que le président Kabila veillera à ce que tous les auteurs de ces attaques brutales contre Heustache Namunanika et Didier Lofumbwa soient rapidement traduits en justice », a-t-il ajouté.
« Horizon 33 » n’a pas diffusé depuis lundi dernier, suivant la décision samedi dernier de M. Send de sommairement ordonner la fermeture 22 chaînes de télévision et 16 stations de radio privées, sur présomption de non-conformité aux lois nationales sur la presse, selon les médias. M. Fwafa a déclaré au CPJ que ces organes de presse ont opéré sans licence d’exploitation ou de documents administratifs adéquats, et qu’ils ont manqué à leur devoir de payer des frais ou taxes requis. Leur interdiction est pour une période indéfinie, a-t-il ajouté. Plusieurs stations restent fermées bien qu’elles aient déclaré avoir payé leurs dus ou soumis les documents requis.
Plusieurs journalistes interviewés par le CPJ ont déclaré que cette décision a été prise sans préavis ni audition, leur refusant ainsi l’opportunité de répondre aux allégations.
M. Fwafa a cependant nié que la cette interdiction a été décidée sans avertissement, soulignant que le gouvernement avait annoncé depuis mars son intention d’auditer les organes de presse.
« Nous rappelons au gouvernement congolais que la fermeture de stations de radio et télévisions sans se conformer à la procédure régulière, est synonyme de censure », a martelé M. Simon. “Nous appelons donc le gouvernement à se conformer à la procédure régulière comme prescrit par la constitution du ce pays », a-t-il ajouté.
Les journalistes locaux ont déclaré au CPJ que cette décision était une tentative pour intimider les stations proches de l’opposition, juste au moment où le gouvernement est sur le point de distribuer l’équivalent de 2 millions de dollars américains en fonds de subvention destinés aux organes de presse publics et privés appauvris de la RDC.
Cet audit n’a jusque là affecté que les stations commerciales de Kinshasa, mais il va continuer dans les provinces, selon M. Fwafa. S’il est appliqué aux stations de la campagne, cet audit risque de réduire au silence des dizaines de stations de radio et de télévisions communautaires qui sont incapables de payer les frais réglementaires, notamment 2 millions de francs congolais (5.000 dollars américains) requis pour l’obtention d’une licence de diffusion, selon la fédération des radios de proximité du Congo.
Le CPJ a désigné cette année la DRC comme un des pays les plus récidivistes au monde en matière de violation de la liberté de la presse