New York, le 6 décembre 2012–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) récuse la condamnation lundi dernier de trois journalistes camerounais qui ont tenté d’enquêter sur une prétendue affaire de corruption à la Société nationale des hydrocarbures (SNH). L’un des accusés affirme avoir été torturé en détention, tandis qu’un quatrième journaliste accusé dans cette affaire est décédé en détention en 2010.
Un juge de la chambre criminelle du Tribunal de grande instance du Mfoundi dans la capitale Yaoundé a condamné Harris Robert Mintya, directeur de publication de l’hebdomadaire Le Devoir, à trois ans de prison avec sursis, et Serges Sabouang, directeur de publication du bimensuel La Nation, à deux ans de prison avec sursis sur des accusations de «contrefaçon de signature» d’un fonctionnaire, selon des journalistes locaux et des médias. Un troisième journaliste, Simon Hervé Nko’o, ancien reporter de l’hebdomadaire Bebela, a été condamné par contumace à 15 ans de prison ferme, selon les mêmes sources. Le juge a également ordonné aux journalistes de payer chacun une amende de 119 421 francs CFA (soit 238 dollars américains) et leur a signifié qu’ils avaient 10 jours pour faire appel, a déclaré Sabouang au CPJ.
Sabouang a déclaré qu’il ferait appel. Cependant, Mintya et Nko’o n’ont pas immédiatement exprimé leur intention de faire appel du verdict.
L’affaire découle d’une plainte déposée en 2010 par l’actuel ministre camerounais de la Justice, Laurent Esso, alors qu’il était ministre d’État secrétaire général de la présidence et président du conseil d’administration de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH). Esso a accusé les journalistes d’avoir imité sa signature dans un document que des sources gouvernementales avaient présenté aux journalistes comme une note confidentielle adressée à Adolphe Moudiki, administrateur-directeur général de la SNH. Le document en question ordonnait le paiement de commissions d’un montant de 2 milliards de francs CFA (soit 3,9 millions de dollars américains) à certains responsables de la SNH dans le cadre de l’acquisition d’un bateau-hôtel par la SNH, selon des médias. Les prévenus avaient envoyé à Esso un protocole d’interview auquel était jointe une copie du document en question.
En guise de réponse, Esso a transmis le document à la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) qui a interpellé Mintya, Sabouang et Nko’o en février 2010. Nko’o a déclaré aux médias qu’il a été torturé en détention avant de s’enfuir en exile. Quant à Mintya et Sabouang, ils ont été inculpés et placés en détention provisoire à la prison de Nkondengui, puis libérés sous caution en novembre 2010.
Germain Cyrille Ngota Ngota, alors directeur de publication de l’hebdomadaire Cameroun Express, a également été arrêté en même temps que les journalistes en 2010, mais il est décédé en prison faute de traitement médical approprié. Cependant, les autorités camerounaises ont déclaré que ce journaliste était séropositif et qu’il est mort des suites d’infections opportunistes liées au VIH. En juillet, Esso a publiquement nié toute faute ou responsabilité dans l’arrestation des journalistes ou la mort de Ngota.
« Le Cameroun est en train de punir des journalistes pour avoir traité un document obtenu auprès de sources gouvernementales, un document dont ils ne sont pas les auteurs. Le pouvoir judiciaire camerounais ferait mieux d’enquêter sur les origines et le contenu de ce document et de demander des comptes aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire aux mains desquels Germain Cyrille Ngota Ngota est décédé, », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons à la cour d’appel d’annuler cette décision, qui est une parodie de justice », a-t-il martelé.
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