New York, le 22 avril 2020 – Les autorités malgaches doivent libérer immédiatement la journaliste Arphine Helisoa et renoncer aux poursuites judiciaires engagées contre elle, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 4 avril, les autorités ont détenu Helisoa, directrice du journal privé Ny Valosoa (La Récompense), basé à Madagascar, d’après un reportage publié par le radiodiffuseur public français Radio France Internationale. Helisoa est un pseudonyme utilisé par le journaliste; son nom légal est Arphine Rahelisoa, Ferdinand Ratsimbazafy, vice-président de l’Ordre des journalistes de Madagascar, a déclaré au CPJ sur l’application de messagerie.
Les autorités, citant l’article 91 du code pénal malgache, prétendent que Helisoa a diffusé de fausses informations et a incité à la haine à l’encontre du Président Andry Rajoelina, selon ce même reportage de RFI et une déclaration postée sur la page Facebook du ministère malgache de la Communication et de la Culture.
Cependant, la publication citée dans la déclaration dudit ministère comme ayant été à l’origine de l’infraction est un reportage du 2 avril paru dans le site d’informations privé Ny Valosoa Vaovao (Les nouvelles récompenses), basé en France. Ny Valosoa Vaovao a déclaré dans une publication sur sa page Facebook que Helisoa « n’y a en aucun cas contribué » au reportage pour lequel elle a été incarcérée. L’avocat de Helisoa, Willy Razafiniatovo, a affirmé à RFI que Helisoa « n’est responsable que du journal écrit Ny Valosoa à Madagascar ».
Si elle est condamnée en vertu de l’article 91 du code pénal, Helisoa risque jusqu’à cinq ans de prison et éventuellement la prohibition d’autres droits, y compris le droit de vote, pour une période allant jusqu’à dix ans, selon le code pénal de Madagascar.
« Les autorités malgaches doivent mettre fin à leur campagne risible contre la journaliste Arphine Helisoa et cesser leurs efforts pour intimider la presse », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « Helisoa doit être libérée immédiatement, et les lois de Madagascar doivent être réformées afin que le peuple puisse se rassembler et diffuser informations et opinions sans crainte d’emprisonnement ».
Les avocats de Helisoa ont demandé à deux reprises sa libération provisoire, qui a été refusée chaque fois. Par ailleurs, la journaliste a été transférée de la détention en quarantaine vers la population carcérale générale, a affirmé Miary Rasologoarijaona, secrétaire général de l’OJM, dans un entretien avec le CPJ via une appli de messagerie le 17 avril ; Rasologoarijaona précisait avoir été en communication avec Razafiniatovo.
Le CPJ a appelé Razafinjatovo, mais la connexion était trop mauvaise pour communiquer avec lui. D’après RFI, Helisoa est détenue à la prison d’Antanimora à Antananarivo, capitale de Madagascar.
Le reportage de Ny Valosoa Vaovao du 2 avril, diffusé également sur la page Facebook de ce média, qualifiait Rajoelina de « tueur » en raison de sa prétendue mauvaise gestion de la réponse malgache au COVID-19.
Rasolofoarijaona a rapporté au CPJ via une appli de messagerie que Helisoa avait correspondu avec l’administrateur du site Internet de Ny Valosoa Vaovao, mais qu’il n’existait aucune relation officielle entre les deux publications, qui se trouvent simplement avoir des noms similaires.
Rasolofoarijaona a dit au CPJ que l’arrestation de Helisoa pourrait être une mesure de représailles prise contre elle pour sa critique du gouvernement. « [I]l y a volonté du régime à intimider tous ceux qui essaient de le critiquer. Arphine est la personne idéale », a précisé Rasolofoarijaona.
En 2019 les autorités malgaches avaient poursuivi Helisoa et les journalistes Nadia Raonimanalina et Mahefa Rabearivony pour diffamation à la suite d’un article alléguant l’emploi abusif d’équipements militaires, selon des articles de presse. En l’occurrence, Helisoa avait été acquittée, mais Raonimanalina et Rabearivony avaient écopé d’une amende de 10 millions d’ariary (2,649 USD), selon ces articles.
Odette Balsam Razafinoelisoa, la procureure chargée de l’affaire, a affirmé au CPJ par téléphone ne pouvoir en parler. Les messages du CPJ envoyés via une appli de messagerie à Razafinoelisoa le 15 avril ont été marqués comme lus mais sont restés sans réponse.
[Note de la rédaction: le deuxième paragraphe a été modifié pour inclure la mention du nom légal d’Arphine.]