Miami, 1er octobre 2019 – Les autorités haïtiennes devraient mener une enquête rapide et approfondie sur le tir dont a été victime le journaliste Edmond Agenor Joseph, demander des comptes aux responsables, et garantir la protection des journalistes couvrant les manifestations, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Hier, lors d’affrontements entre des manifestants et la police à Port-au-Prince, un policier a tiré sur Joseph, caméraman de la station radio privée Radio Sans Fin, l’atteignant au poignet, selon Reuters et le directeur général du radiodiffuseur, Yvenert Fosheter Joseph, qui a décrit l’incident au site web d’actualités locales Rezo Nodwès. Les policiers ont fait usage de leurs armes afin de disperser les manifestants, et ont également utilisé des gaz lacrymogènes, selon Reuters.
Fosheter a déclaré au CPJ par courriel que la police avait tiré à « balles réelles » pour disperser les manifestants et qu’Edmond Joseph avait été touché. « Pour le moment sa vie n’est pas en danger », a-t-il déclaré. Fosheter a aussi indiqué au CPJ que lorsqu’on lui avait tiré dessus, Joseph portait un grand badge de presse ainsi qu’un gilet et un casque de protection.
Joseph a été transporté dans un hôpital où les docteurs ont constaté qu’il souffrait de plusieurs fractures au poignet provoquées par la balle, selon Jacques Desrosier, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens, le syndicat de journalistes local, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie. Les docteurs ont recommandé que Joseph subisse une intervention chirurgicale, mais en raison d’un manque d’effectifs, ils n’ont pas été en mesure de l’opérer hier ; son opération est prévue pour aujourd’hui, a déclaré Desrosier, ajoutant que Joseph pourrait perdre un doigt suite à cette blessure.
Yvenert Fosheter Joseph a déclaré à Rezo Nodwès que l’utilisation par les policiers de munitions réelles était « illégale et non conventionnelle », ajoutant que Radio Sans Fin déposerait une plainte officielle contre la police nationale haïtienne.
« Le cas d’Edmond Agenor Joseph, le deuxième journaliste visé par un tir à Port-au-Prince en moins de huit jours, souligne les risques extrêmement graves que courent les journalistes aujourd’hui à Haïti »,a déclaré Natalie Southwick, Coordinatrice du programme Amérique centrale et du Sud du CPJ à New York. « Les autorités haïtiennes ne peuvent pas rester les bras croisés pendant que les journalistes sont menacés, visés par des tirs et même tués. Elles doivent montrer qu’elles prennent des mesures décisives en enquêtant et en veillant à ce que les responsables soient traduits en justice, ce qu’elles n’ont pas fait jusqu’à présent. »
Lorsque le CPJ a appelé la police nationale haïtienne pour recueillir ses commentaires, un agent a déclaré qu’une enquête était en cours et que toutes les informations seraient fournies par la police judiciaire. Après avoir contacté la police judiciaire pour recueillir ses commentaires, l’agent qui a répondu a déclaré au CPJ que toutes les informations seraient fournies par la police nationale.
La violence contre la presse s’intensifie en Haïti, sur fond de manifestations anti-gouvernement et d’appels à la démission du Président Jovenel Moïse, selon des informations parues dans la presse. Le 23 septembre, le Sénateur Jean Marie Ralph Féthière a tiré avec un pistolet sur une foule de manifestants rassemblés près du Sénat à Port-au-Prince, blessant Dieu-Nalio, photographe de l’Associated Press, au visage avec un fragment de balle, comme l’a rapporté le CPJ à ce moment-là.
Cette année en Haïti, un journaliste a été victime d’un tir alors qu’il couvrait des manifestations anti-gouvernement, deux journalistes ont survécu à des tentatives de tir, et un journaliste, Pétion Rospide de Radio Sans Fin, a été tué par balle, selon les informations du CPJ.