New York, le 28 mars 2018 – Les autorités haïtiennes doivent tout mettre en œuvre pour retrouver le photojournaliste indépendant Vladjimir Legagneur et conduire une enquête exhaustive et transparente sur sa disparition, a annoncé aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Vladjimir Legagneur a été aperçu pour la dernière fois le matin du 14 mars, alors qu’il quittait son domicile pour Grand-Ravine, un quartier de la capitale Port-au-Prince, selon sa famille et ses collègues. Pierre Michel Jean, un membre de l’organisation des photojournalistes haïtiens Kolektif 2 Dimansyon (K2D), a expliqué au CPJ que Legagneur travaillait à un projet indépendant enquêtant sur les suites des affrontements entre la police et les gangs à Grand-Ravine. Une opération anti-gangs dans le quartier en novembre dernier s’est soldée par la mort de deux officiers de police et de neuf civils, selon les reportages.
L’épouse de Legagneur, Fleurette Guerrier, a déclaré au CPJ qu’elle et son mari s’étaient entendus pour se contacter par téléphone toutes les deux heures pendant qu’il était dans le quartier. Le 14 mars elle l’a appelé une première fois vers midi. Il a répondu en disant qu’il était occupé. Lorsqu’elle l’a rappelé à la prochaine heure convenue, le téléphone a sonné mais personne n’a répondu. Fleurette Guerrier a confirmé au CPJ qu’elle est restée depuis lors sans nouvelles de son mari.
Fleurette Guerrier a affirmé avoir déposé un rapport de personne disparue auprès de la police d’investigation haïtienne le 16 mars, mais n’avoir eu aucune réponse de cette dernière.
Le 26 mars, le porte-parole de la police nationale haïtienne, Frantz Lerebours, a déclaré que la police n’avait encore reçu aucune information concernant Legagneur et a ajouté qu’« une issue fatale » était à craindre, d’après les reportages.
« Nous exhortons les autorités haïtiennes à mettre en œuvre tous les moyens dont elles disposent pour retrouver et garantir la sécurité de Vladjimir Legagneur », a annoncé María Salazar-Ferro, cheffe de l’équipe ‘Réponse d’urgence’ du CPJ. « Une enquête complète et transparente démontrerait au public ainsi qu’à la famille et aux collègues de Vladjimir Legagneur que les autorités respectent le rôle vital de la presse en Haïti et prennent au sérieux la disparition du journaliste. »
Michel Joseph, journaliste à Radio Caraïbes, qui rencontrait régulièrement Vladjimir Legagneur dans l’exercice de ses fonctions, a confié au CPJ que la famille lui avait dit avoir cru d’abord à un enlèvement.
Hier soir, Michel-Ange Gédéon, directeur général de la police nationale d’Haïti, a annoncé aux médias que les autorités avaient exclu la possibilité d’un enlèvement car il n’y avait pas eu de demande de rançon ; il a toutefois ajouté que l’enquête se poursuivait.
La police haïtienne n’a pas répondu aux appels du CPJ lui demandant des commentaires.
« Cela fait 15 jours que mon mari a disparu ; ses collègues et moi avons le droit de savoir ce qui lui est arrivé », a déclaré l’épouse de Vladjimir Legagneur au CPJ.
Legagneur avait travaillé auparavant pour d’autres organes de presse haïtiens, dont le quotidien Le Matin et l’agence de presse Loop Haïti, ainsi que pour des organisations non gouvernementales, selon des collègues et des reportages.
L’Association nationale des médias haïtiens a publié une déclaration hier exprimant sa préoccupation face au manque d’information de la part de la police et des autorités judiciaires concernant l’enquête sur la disparition de Legagneur. Des journalistes haïtiens ont organisé aujourd’hui une marche et une veillée à Port-au-Prince pour appeler à une enquête exhaustive.
Les cas de violence à l’encontre des journalistes en Haïti restent souvent impunis. Le 3 avril marquera les 18 ans écoulés depuis le meurtre de Jean Léopold Dominique, propriétaire et directeur de la station indépendante Radio Haïti Inter, tué par balles en 2000, selon les recherches du CPJ. L’affaire reste non résolue.