New York, le 21 décembre 2012–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne la série de mesures de censure imposées ce mois-ci par l’organe de régulation des médias de la Guinée à l’endroit de trois émissions interactives à la suite de commentaires critiques à l’égard du gouvernement.
Le Conseil national de la Communication (CNC) a infligé le 13 décembre courant une suspension de cinq semaines à l’émission-débat populaire dominicale « La Rondes des Journalistes » de la station privée Planète FM émettant depuis la capitale guinéenne, Conakry, selon des médias et des journalistes locaux. Le CNC a également interdit d’antenne pour une semaine l’animateur de cette émission, Mandian Sidibé, également directeur de ladite station. Ces suspensions sont basées sur une plainte pour diffamation déposée par Fodé Idrissa Touré, plus connu sous le nom de « Briki Momo », conseiller à la présidence, pour un commentaire diffusé dans l’émission du 2 décembre, selon les mêmes sources.
Dans l’émission du 2 décembre, les panélistes et les auditeurs avaient largement débattu sur les supposées allégations selon lesquelles les garde-corps de Touré aurait brutalisé Aboubacar Sylla, un jeune militant de l’opposition, dans le cadre d’un litige foncier, a déclaré Sidibé au CPJ. Touré a publiquement rejeté ces allégations, selon des médias. Le directeur de Planète FM a déclaré avoir été convoqué par le CNC, soulignant qu’il a fourni un enregistrement sonore de l’émission au Conseil sans qu’on lui précise quel contenu était considéré comme diffamatoire.
Le CNC a aussi adressé le 13 décembre une mise en demeure à une autre station, Espace FM, pour un commentaire diffusé durant l’édition du 12 décembre de son émission populaire intitulé « Les Grandes Gueules » selon des médias. Le CNC a évoqué la couverture par la station des affrontements meurtriers dans la ville méridionale de Guéckédou mais n’a pas fourni davantage de détails. Selon des médias, trois personnes avaient trouvé la mort dans ces affrontements entre les membres de l’opposition, qui exigeaient la démission pour abus de pouvoir de Bakary Keita, un haut responsable gouvernemental, et les partisans de ce dernier.
Mardi dernier, le CNC a convoqué pour interrogatoire Moussa Yero Bah, animatrice de « Rien à Cacher », une autre émission dominicale de Planète FM, selon des médias. L’animatrice a déclaré au CPJ que les membres dudit Conseil avaient passé au peigne fin pendant plus de deux heures un enregistrement sonore de son émission du 16 décembre, au cours de laquelle des commentateurs avaient critiqué les suspensions imposées à ladite station. Les membres du CNC lui auraient signifié qu’ils prendraient une décision et elle craignait une suspension, a-t-elle dit au CPJ.
Les émissions « La Ronde des Journalistes », « Rien à Cacher » et « Les Grandes Gueules » sont des plateformes de discussions approfondies sur l’actualité entre les invités et les auditeurs qui sont tous des professionnels des médias, a déclaré au CPJ Abdoulaye Bah, un journaliste local. Ce dernier a aussi précisé que les commentateurs sont souvent critiques à l’égard du gouvernement.
« Le CNC est entrain de violer la liberté de presse constitutionnellement garantie à tous les Guinéens, y compris les journalistes de Planète FM et Espace FM », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons à cet organe de régulation des médias d’annuler immédiatement ces suspensions », a-t-il martelé.
Le CPJ a contacté Mamadou Wasco Keita, secrétaire général du CNC, qui a déclaré qu’il ferait des commentaires ou des éclairages sur ces affaires dès aujourd’hui, mais il n’a pas donné suite à ses engagements.