Le 14 mai 2012
Colonel Gnama Latta
Ministre de la Sécurité de la République du Togo
Cher Colonel Latta,
Nous vous écrivons pour exprimer notre inquiétude par rapport à l’implication des forces de sécurité togolaises dans des actes d’intimidation et d’obstruction de journalistes faisant des reportages sur des manifestations publiques à Lomé, la capitale, ces dernières semaines. S’ils restent impunis, ces actes pourraient ternir l’image du Togo. Nous vous invitons à prendre des dispositions pour que les forces de sécurité permettent aux journalistes de faire leur travail et que les policiers impliqués dans des agressions de journalistes soient poursuivis.
Depuis mars dernier, nous avons documenté les cas de trois photojournalistes, Koffi Djidonou Frédéric Attipou, Noël Kokou Tadegnon, et Didier Alli, que les forces de sécurité ont agressés pour les empêcher de filmer la dispersion de marches de protestation. Nous avons attiré votre attention sur ces cas au cours de plusieurs conversations téléphoniques.
Nous vous félicitons déjà pour votre engagement public dans le cas de M. Tadegnon, correspondant de l’agence de presse britannique Reuters, la chaîne de télévision panafricaine basée à Londres Vox Africa, et la chaîne de télévision allemande Deutsche Welle. Ainsi, dans un reportage le 01 mai courant, la chaîne de radio togolaise, Radio Togo, a cité votre déclaration publique dans laquelle vous condamniez « l’attitude de quatre policiers qui ont fait preuve de violence qui aurait pu être évitée » contre le journaliste, après qu’il a filmé la dispersion violente d’une manifestation le 27 avril dernier. Les forces de sécurité avaient frappé M. Tadegnon jusqu’au point où il s’était évanouit. Vous avez aussi veillé à ce que les caméras de M. Tadegnon et de son compagnon, Didier Alli, journaliste de la chaîne de télévision locale TV7, qui avaient été confisquées après leur agression leur soient restituées, bien que l’appareil d’Alli lui ait été rendu endommagé.
Toutefois, vous avez l’occasion de faire plus pour montrer que votre autorité ne tolérera pas d’abus ou de manque de discipline dans les rangs des services de sécurité. Votre déclaration sur les ondes de Radio le Togo a fait référence à quatre policiers coupables d’avoir brutalisé M. Tadegnon, mais le journaliste a déclaré au CPJ que ses assaillants étaient au moins une dizaine et agissaient sous les ordres d’un officier nommé Athna Sama. Aussi, vous avez refusé de fournir au CPJ les détails sur les mesures disciplinaires prises. Nous croyons qu’au nom de la justice et de l’équité, le gouvernement togolais doit rendre public les noms de ces policiers et les mesures disciplinaires prises, afin de sensibiliser les autres agents de sécurité pour éviter des abus dans l’avenir.
Nous vous demandons également d’intervenir pour que la police dédommage Alli, le journaliste de TV7, pour la destruction de sa camera.
Par ailleurs, personne parmi les forces de sécurité n’a été reconnu coupable de l’agression le 02 mars dernier de Koffi Djidonou Frédéric Attipou, photojournaliste à l’hebdomadaire Le Canard Indépendant et du magazine bihebdomadaire Sika. M. Attipou a été blessé à l’œil après que la police l’a bastonné pour avoir pris des photos de policiers saisissant une moto lors d’une manifestation. Dans un entretien avec le CPJ le mois dernier, vous avez déclaré que vos services n’avaient pas en mesure d’identifier les policiers responsables.
Colonel Latta, nous vous invitons à user de votre autorité pour qu’une enquête indépendante soit menée et que les policiers impliqués dans des agressions de journalistes soient poursuivis. Nous vous exhortons également à tout faire pour que la police dédommagée journaliste de TV7 pour sa camera endommagée. De telles mesures témoigneraient du respect des droits de l’homme et de la liberté de presse par le gouvernement togolais ainsi que de son sincère engagement pour soutenir la primauté du droit
Nous sommes impatients de recevoir votre réponse. Merci pour de l’attention particulière que vous prêtez à cette importante question.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments distingués
Joël Simon
Directeur exécutif
Ampliations:
S.E. Limbiye Edawe Kadangha Bariki, Ambassadeur du Togo aux États-Unis d’Amérique
S.E. Kodjo Menan, Représentant Permanent du Togo aux Nations unies
S.E. Robert Whitehead, Ambassadeur des États-Unis d’Amérique au Togo
S.E. Joseph Weiß, Ambassadeur d’Allemagne au Togo
S.E. Nicolas Warnery, Ambassadeur de France au Togo
Faith Pansy Tlakula, Rapporteur Spécial de l’Union Africaine sur la Liberté d’Expression
Frank LaRue, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la Liberté d’Opinion et d’Expression
Margaret Sekaggya, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des Droits Humains