New York, le 28 novembre 2011–L’administration du président de la Côte-d’Ivoire, Alassane Ouattara, détient sans inculpation depuis jeudi dernier trois journalistes d’un quotidien de l’opposition, en violation de la loi sur la presse et la constitution du pays, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Le procureur de la République, Simplice Kouadio, a ordonné à la police d’arrêter César Etou, Didier Dépry et Boga Sivori, respectivement directeur de publication, secrétaire général de la rédaction et chef du desk politique du quotidien Notre Voie, un journal soutenant l’ancien président, Laurent Gbagbo, pour des articles critiques à l’égard du gouvernement qui ont été publiés la semaine dernière, selon des médias et des journalistes locaux. Ces trois journalistes sont détenus sans inculpation formelle dans un commissariat de police d’Abidjan, la capitale économique de Côte d’Ivoire, au delà de la durée légale de la détention provisoire fixée par la constitution ivoirienne à 48 heures, et en violation de la loi sur la presse ivoirienne de 2004 qui interdit la détention de journalistes pour des délits de presse.
Le président Alassane Ouattara a pris ses fonctions avec la promesse de soutenir la démocratie et la primauté du droit et de rompre avec les tactiques d’intimidation de Laurent Gbagbo envers la presse, a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. Nous demandons aux autorités ivoiriennes de libérer immédiatement César Etou, Didier Dépry et Boga Sivori et de mettre fin à la persécution des médias, qui ont un droit constitutionnel de faire des analyses critiques sur les activités du gouvernement, a-t-il martelé.
Les autorités judiciaires ivoiriennes ont interrogé MM. Etou et Sivori sur des accusations d ‘offense au chef de l’Etat pour un article en date du 21 novembre intitulé pendant que les Ivoiriens meurent de faim et de maladies, Ouattara achète 40 Mercedes à 1,46 milliards de CFA francs [soit 2,07 millions de dollars américains], a déclaré au CPJ l’avocat de la défense, Serge Essouo. Cet article commentait sur un autre article en date du 17 novembre de la Lettre du continent, un bulletin d’information économique africain basé à Paris, sur l’acquisition présumée de Mercedes classe E par le gouvernement ivoirien, soulignant des insuffisances présumées dans les services sociaux fondamentaux pour les Ivoiriens ordinaires.
Les autorités judiciaires du pays ont également accusé M. Dépry d’ atteinte à l’économie nationale, pour un article en date du 24 novembre qui a critiqué la réaction méprisante du gouvernement à un article antérieur de Notre Voie suggérant qu’une dévaluation du franc CFA était imminente, a dit Me Essouo au CPJ.
Commentant ces arrestations dimanche dernier, M. Ouattara a qualifié les allégations de Notre Voie de mensonges inacceptables, soulignant qu’il faut laisser la justice suivre son cours, a rapporté le quotidien privé Le Nouveau Réveil. Je pense que les journalistes peuvent effectivement exprimer leurs opinions, mais il faut bien relayer les faits, a-t-il martelé. Vous savez, je suis pour la liberté d’expression. Rappelez-vous que c’est sous mon mandat comme Premier ministre que la presse a été libéralisé, a déclaré M. Ouattara, selon l’article.
Cependant, le gouvernement n’a pas demandé de comptes aux combattants des Forces républicaines de la Côte-d’Ivoire (FRCI), soutenant M. Ouattara, qui ont été mis en cause dans le saccage et l’occupation pendant cinq mois des studios d’organes de presse pro-Gbagbo tel que Notre Voie, selon des recherches du CPJ. En outre, les autorités ivoiriennes n’ont procédé à aucune arrestation dans deux incidents distincts impliquant des combattants des FRCI au cours desquels deux journalistes de radio ont péri, notamment l’assassinat le 8 mai du journaliste de radio Sylvain Gagnetau Lago et la mort par balle perdue de Gilles Tutsi Murris Dabé le 19 novembre.
Dans un communiqué de presse, le Front populaire ivoirien (FPI) soutenant M. Gbagbo a condamné ces arrestations.