New York, le 6 janvier 2010— Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est très préoccupé par les menaces de mort répétées proférées contre un journaliste contestataire tunisien vivant en France.
Slim Bagga, ancien rédacteur en chef de L’Audace, un défunt mensuel de l’opposition tunisienne, a déclaré au CPJ que les dernières menaces qu’il a reçues lui ont été envoyées à son adresse parisienne en décembre dernier, à travers une lettre envoyée du Liban et signée par un homme affirmant être un réfugié palestinien vivant dans le nord de ce pays. « Vous n’échapperez jamais à notre vengeance. Ni vos compagnons parmi les pions du sionisme et des vestiges du colonialisme odieux », disait la lettre, signée par un homme se faisant appeler Abu Hazem, qui a traité M. Bagga de « traître ».
Des avocats des droits humains ont déclaré au CPJ que ces menaces reflètent une « intensification dangereuse » des mesures répressives contre les journalistes contestataires et les défenseurs de la démocratie. M. Bagga et Ahmed Bennour, un ancien ambassadeur tunisien vivant à Paris qui a reçu des menaces similaires, ont publié une déclaration appelant les autorités françaises à enquêter de façon approfondie sur ces faits.
M. Bagga, qui a été la cible de campagnes de dénigrement soutenues par le gouvernement tunisien, a déclaré au CPJ que les autorités tunisiennes étaient les instigateurs de ces dernières menaces ainsi que toutes les précédentes qui lui ont été adressées depuis l’Egypte, la France et la Syrie. En novembre dernier, l’hebdomadaire Kull Ennass, soutenu par le gouvernement tunisien, avait déclaré que M. Bagga et Kamel Jendoubi, président d’une organisation tunisienne de défense des droits de l’homme basée à Paris, étaient dans le collimateur de groupes palestiniens qui comptaient « régler de vieux comptes avec eux » pour avoir « collaboré avec les services secrets israéliens et européens » et « comploté contre la résistance palestinienne et les pays arabes ».
«Nous sommes profondément préoccupés par les menaces de mort adressées à notre confrère Slim Bagga, ce qui semble conforter les allégations de l’hebdomadaire Kull Ennass. Nous appelons les autorités françaises à enquêter de manière approfondie sur ces menaces et à veiller à la sécurité de notre confrère», a déclaré Mohamed Abdel Dayem, directeur de la section Moyen-Orient et Afrique du Nord du CPJ. « Nous exhortons le président tunisien, Ben Ali, à mettre un terme aux attaques croissantes contre les journalistes contestataires », a-t-il martelé.
M. Bagga a déclaré au CPJ qu’il estimait que la dernière menace résultait de la colère du gouvernement tunisien à la suite de la publication récente en France d’un livre intitulé La Régente de Carthage, décrivant l’influence de la femme du président Ben Ali sur la vie politique et économique du pays. Les deux auteurs français de ce livre avaient remercié M. Bagga pour son «excellente perspicacité » et pour avoir été l’une de leurs principales sources d’information.
Par ailleurs, des dizaines de bloggeurs, des journalistes et des activistes de la société civile tunisiens ont entamé mardi dernier une grève de la faim pour dénoncer l’emprisonnement continu des journalistes Taoufik Ben Brik et Zouhair Maklouf, selon des organisations locales et internationales de défense des droits de l’homme. Aujourd’hui même, l’épouse de M. Ben Brik ainsi que d’autres membres de sa famille ont également commencé une grève de la faim, selon Naziha Rejiba, une journaliste indépendante tunisienne, également lauréate du prix international de la liberté de la presse du CPJ en 2009.