New York, le 11 septembre 2009—Suite à des menaces de mort anonymes, proférées par téléphone cette semaine, contre trois journalistes congolaises à l’est de la République démocratique du Congo, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) exhorte les autorités compétentes à déclencher de sérieuses enquêtes pour appréhender les auteurs de ces actes.
Les trois journalistes Delphie Namuto et Caddy Adzuba de la radio onusienne Radio Okapi et Jolly Kamuntu de la Radio Maendeleo, toutes travaillant à Bukavu, capitale de la province du Sud Kivu, ont été citées comme cibles dans un SMS en swahili envoyé mercredi dernier, selon les journalistes sur place. Le SMS se traduisait ainsi : « Vous avez pris les mauvaises habitudes de vous immiscer dans ce qui ne vous regarde pas pour montrer que vous êtes intouchables. Maintenant certains d’entre vous vont mourir pour que vous la boucliez. Nous venons d’avoir l’autorisation de commencer par Kadi; puis Kamuntu puis Namuto: une balle dans la tête ».
Ces menaces sont survenues juste deux semaines après l’assassinat, du journaliste Bruno Koko Chirambiza. Ce dernier était le troisième reporter de radio tué dans cette ville instable au bord du lac Kivu durant les 27 derniers mois, selon des recherches du CPJ.
Dans un entretien avec le CPJ, Adzuba a déclaré avoir reçu pas moins de quatre appels téléphoniques menaçants. La personne qui l’a appelé semblait surveiller ses faits et gestes dimanche dernier en appelant d’un numéro masqué, a-t-elle précisé. Jeudi dernier, elle a pris un autre appel venant d’un numéro local. Son interlocuteur n’aurait rien dit, mais aurait mis l’écouteur à cote d’un poste de radio pour lui faire entendre la diffusion radiophonique en direct de sa station. Selon Jacqueline Chenard, chef d’antenne de Radio Okapi à Bukavu, un lien entre les menaces et un quelconque reportage n’a pas été établi.
Dans un entretien avec le CPJ ce jeudi, le colonel Christian Shadiki Shamavu, inspecteur de police à Bukavu, avait déclaré qu’il n’était pas au courant de ces menaces mais qu’il prendrait contact avec les journalistes. Interrogé sur les difficultés rencontrées par la police, il a cité la prolifération de bandes armées opérant de nuit, et le mauvais éclairage des rues parmi d’autres problèmes. Lors et déjà, l‘Association des femmes des médias (AFEM) du Sud-Kivu, l’Union nationale de la presse congolaise, et le Réseau des radios et télévisions communautaires de L’Est du Congo vont déposer une plainte contre X dès Samedi, selon les journalistes sur place.
« Bukavu est devenue l’une des villes les plus mortelles pour les journalistes en Afrique », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Les autorités sur place doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer la protection des journalistes, particulièrement parce que ceux ci sont plus exposés à cause de leur travail. Les autorités se doivent de mettre fin à une inquiétante tendance à l’impunité dans les crimes contre la presse ».
Mme Kamuntu, présidente d’AFEM, est productrice d’une émission hebdomadaire intitulée « Ni Sheria Dawa » («La justice est le remède » en swahili), qui est diffusée sur 35 stations à l’est de la RDC. Cette émission traite des questions de violence sexuelle depuis juin dernier, a-t-elle souligné, tout en niant avoir reçu des menaces depuis son lancement en 2005.
« Les journalistes de Radio Okapi, à l’instar d’autres journalistes à Bukavu, ne se sentent pas en sécurité en raison de l’insécurité persistante. Ce ne sont pas seulement les journalistes, mais aussi les défenseurs des droits humains qui sont visés », a déclaré Jacqueline Chenard.