Gabon: le scrutin présidentiel entaché par la censure des médias

New York, le 1 septembre 2009Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne la censure et les restrictions imposées par le gouvernement gabonais sur la couverture médiatique de l’élection présidentielle de dimanche denier, notamment le refus des autorités d’accréditer au moins quatre journalistes internationaux.

Trois candidats sont favoris pour cette élection âprement disputée qui désignera le successeur d’Omar Bongo, décédé en juin dernier après 41 ans de règne. Ces candidats sont : Ali Ben Bongo, fils du défunt président; le chevronné leader de l’opposition, Pierre Mamboundou et André Mba Obame, un ancien ministre de l’Intérieur. Pendant que toutes les tendances s’activent pour influencer l’opinion publique en attendant l’annonce des résultats officiels du scrutin mercredi, leurs partisans exercent une pression intense sur les médias locaux et internationaux.

Le jour du scrutin par exemple, le signal de TV +,  la chaine de télévision du candidat Obame, est soudainement coupé suivant la diffusion d’une interview en 2005 avec feu le président Bongo, selon des journalistes locaux et l’Agence France-Presse. Le président du Conseil national de la communication (CNC), l’organe national de régulation des médias au Gabon, n’a pas directement confirmé si le gouvernement était responsable de cette coupure, mais a déclaré que l’interview de Bongo constituait une « propagande » en violation de la loi réglementant la campagne électorale, selon l’AFP et des journalistes locaux. Dans cette interview, Bongo affirmait que le pays n’était pas une monarchie.

Ce mardi, Africa 24, une chaîne internationale par satellite basée en France, rapportait que son équipe de journalistes à Libreville, la capitale gabonaise, avait été sommée de quitter le pays immédiatement. Plus tard dans la journée, Thierry Hot, le directeur de l’information de la chaîne, rapporte au CPJ que sa salle de rédaction avait effectivement reçu un appel de Christophe Othamot, le secrétaire général du ministère gabonais de la Communication. Ce dernier aurait accusé Africa 24 de couverture tendancieuse et menacé de refuser l’accréditation à cette chaîne à l’avenir. Le ministre gabonais de l’Intérieur a par la suite démenti cette information et Africa 24 a pu terminer son séjour au Gabon, selon Hot. Les menaces étaient liées aux reportages de la station sur des tendances du vote qui étaient défavorables au candidat du parti au pouvoir, selon des journalistes locaux.

Mr. Othamot du ministère gabonais de la Communication aurait également ordonné à une société de distribution de journaux de ne pas mettre sur la marche l’édition du 11 août du bimensuel privé Tango, selon le directeur de publication du journal, Blaise Menue Mena et des journalistes sur place. La société, Soga Presse, aurait ainsi été sommée de retenir les 1.500 exemplaires de Tango au vu de photos montrant la police bastonnant des manifestants de l’opposition le 7 août dernier, a-t-il dit. L’Observatoire gabonais des médias (OGAM), un organe d’autorégulation des organes de presse, a condamné cet acte, soulignant que seul le CNC est habilité à suspendre les médias.

Avant le scrutin présidentiel, les autorités gabonaises ont refusé des délivrer des accréditations à des journalistes internationaux de médias français–notamment ceux de la chaîne de télévision internationale France 24 et l’hebdomadaire L’Express. Ces deux medias se sont jadis distingués par leurs reportages pénétrants sur l’état de santé et la richesse de feu le Président Bongo, selon les recherches du CPJ. Parmi les journalistes qui se sont vus refuser l’accréditation, figurent Virginie Herz et Nicolas Germain de France 24, Vincent Hugeux de L’Express, et Gervais Nitcheu de l’agence AITV, selon les mêmes sources.

La semaine dernière déjà, la ministre gabonaise de la  Communication, Laure Olga Gondjout, qui est également la porte-parole du candidat présidentiel Ben Ali Bongo, avait annoncé une série de directives limitant l’accès de la presse aux bureaux de vote, selon des médias sur place. Ces directives n’ont pas été appliquées, d’après des journalistes locaux.

 « Au lieu de soutenir la couverture médiatique de l’élection présidentielle pour assurer une bonne transparence, le ministère de la  Communication semble arbitrairement harceler et censuré des journalistes locaux et étrangers », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Le gouvernement qui sera issu de ce scrutin devra rompre avec de telles pratiques et permettre à la presse au Gabon de faire des reportages librement », a-t-il martelé. 

 

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